AL ANDALOUS, MYTHES ET RÉALITÉS

AL ANDALOUS, MYTHES ET RÉALITÉS

À maints égards, le XIXe siècle peut être considéré comme le moment fondateur de nôtre modernité. C’est le temps des Révolutions politique, industrielle et des communications. Avatar de ces mutations, la sensibilité romantique s’impose alors à de larges segments de la population européenne bouleversant d’autant la façon d’appréhender le monde. S’impose alors l’amour de la nature, de la mer et de la montagne. Le public lettré, de plus en plus nombreux, éprouve alors un véritable intérêt pour le typique, le folklorique et ressent comme une nécessité le voyage qui permet de se retrouver soi-même. Ce moment correspond à l’invention d’un mot l’orientalisme qui apparaît dans les années 1830. Désormais, les élites européennes sont à la recherche d’un espace peu touché par la modernité qui leur offrirait la possibilité de se régénérer dans une entité considérée comme étant un conservatoire d’archaïsmes, un espace onirique propre à l’évasion face à une société bourgeoise trop corsetée. C’est précisément à ce moment que les écrits de François-René de Chateaubriand, Victor Hugo et Washington Irving érigent l’Espagne en vestibule de l’Orient ou en Orient de proximité.

Cet engouement amena une partie de la communauté scientifique à s’intéresser au passé de cette contrée entendu que son passé musulman la singularisa fortement du reste de l’Europe. Dès lors, la place et la valeur a accordé à ce passé ne cesse de poser problème à la société espagnole mais aussi à l’Europe toute entière dans la mesure où la péninsule Ibérique a connu une présence arabo-musulmane multiséculaire. En effet, l’histoire d’al-Andalus et de ses dynasties arabo-musulmanes est peu susceptible de s’intégrer au récit d’une Europe aux racines chrétiennes. Ce faisant, les façons d’appréhender ce passé font l’objet de récupérations politiques diverses. L’éventail est de fait extrêmement large de l’école dite « négationniste » (negacioncita) à ceux qui estiment qu’al-Andalus représente une apogée civilisationnelle préfigurant par sa tolérance supposée le multiculturalisme de notre temps, ce que caractériserait le concept de « convivencia ».

Les dates à retenir :

711 : Début des conquêtes arabo-berbères.

756 : ‘Abd al-Rahmân Ier fonde l'émirat Omeyyade de Cordoue.

929 : ‘Abd al-Rahmân III proclame le califat de Cordoue.

1031 : Disparition du dernier calife de Cordoue. Al-Andalus se morcèle en une trentaine de principautés indépendantes appelées Taifas (clan).

1085 : Alphonse VI de Castille-León s'empare du royaume musulman de Tolède

1086 : Les Almoravides interviennent en Andalus et écrasent Alphonse VI. Progressivement al-Andalus est annexé par la dynastie berbère des Almoravides.

1147 : Les Almohades s'emparent de Marrakech, la capitale de l'empire almoravide. Ils soumettent progressivement al-Andalus ; Séville devient capitale.

1212 : Bataille de Las Navas de Tolosa, les rois chrétiens défont les Almohades.

1229 : fin de l’emprise berbère sur al-Andalus.

1237 : Profitant de la crise almohade, un prince arabe, Muhammad ibn Nasr ibn al-Ahmar, s'empare de Grenade et y fonde l'émirat nasride (1237-1492).

1333 : Grenade entre la Castille et le Maghreb : les Mérinides du Maroc s'emparent de Gibraltar.

1492 : Boabdil, dernier émir nasride de Grenade, remet sa principauté aux Rois Catholiques.

1609-11 : Expulsion des Morisques par Philippe III.

1832 : Parution des Contes d’Alhambra par Washington Irving.

1861 : Parution Des Musulmans d’Espagne jusqu’à la conquête des Almoravides par Reinhardt Dozy.

Votre conférencier

Mehdi Ghouirgate est maître de conférences à l’université Bordeaux-Montaigne depuis 2014 et Directeur du département d’études arabes de cette même université. Après avoir soutenu sa thèse en octobre 2011, il a rejoint le programme ERC Imperial Government and Authority in Medieval Western Islam, dirigé par P. Buresi, où il a contribué à l’établissement et à la traduction de textes relatifs au pouvoir dans l’Occident musulman. Spécialiste de l’histoire de l’Occident musulman aux époques médiévale et moderne, il est l’auteur d’un ouvrage intitulé L’Ordre almohade (1120-1269) : une nouvelle lecture anthropologique paru aux Presses Universitaires du Mirail. Il est également co-auteur avec P. Buresi d’une Histoire du Maghreb parue chez Armand Colin en 2014. Il est l’auteur d’articles publiés dans de nombreuses revues telles qu’Arabica, les Annales, la Remm ou les Mélanges de la Casa de Velázquez. Enfin il participe en tant qu’auteur à l’Encyclopédie Berbère et à l’Encyclopédie de l’Islam.

À lire pour aller plus loin :

Joseph Pérez, Andalousie. Vérités et légendes. Paris, 2018, Tallandier.

Eric Calderwood, Colonial al-Andalus, Spain and The Making of Moroccan Culture, Londres, 2018, The Belknap Press.

Alejandro García Sanjuán, La conquista islámica de la Península Ibérica y la tergiversación del pasado: Del catastrofismo al negacionismo, Madrid, 2013, Marcial Pons.

Parmi les AUTRES ouvrages du Pr GHOUIRGATE :

M. Ghouirgate (direction conjointe et rédaction des chapitres relatifs au Maghreb), Histoire des pays d’Islam (XVe–XXIsiècles), Paris, Armand Colin, 2018.

M. Ghouirgate, L’ordre almohade (1120-1269) : une nouvelle lecture anthropologique, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, collection Tempus, 2014.

M. Ghouirgate, avec P. Buresi, Histoire du Maghreb médiéval (XIe–XVsiècles), Paris, Armand Colin, 2013.