Cette conférence voudrait donner, à un large public cultivé, un aperçu de la façon dont j’ai pu enseigner la laïcité en Sorbonne, grâce à une démarche de sociologie historique, différente du traitement médiatique récurrent de la laïcité, qui nous imprègne tous, plus ou moins. L’exposé donnera d’abord, à partir d’une définition de Ferdinand Buisson en 1883, les principales caractéristiques de la laïcité, aussi bien celles qui constituent l’État laïque que celles qui s’appliquent à la société civile. On verra que la laïcité repose sur un paradoxe fondateur. Celui-ci génère à la fois un dissensus théorique avec les religions et la possibilité d’accommodements pratiques.

Deux modèles ont prédominé dans l’histoire de la laïcité : le modèle français, qui privilégie l’égalité, et le modèle anglo-saxon, qui donne la première place à la liberté. L’exposé se concentrera sur la France, sans ignorer l’environnement international dans lequel elle se situe. Historiquement, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, la laïcité française a réussi à pacifier durablement le « conflit des deux France ». Elle a, cependant, comporté certaines failles (notamment au niveau social, à celui des rapports hommes-femmes, et dans sa non application à l’Empire colonial) qui, tels des boomerangs, constituent aujourd’hui de nouveaux défis, dans un contexte inédit de sociétés globalisées. Ces trois aspects seront successivement abordés.

Si la laïcité médiatique, qui tend à fixer l’agenda des politiques publiques, se focalise presque uniquement sur l’islam, cette religion est peut-être bien davantage un amplificateur des problèmes actuels que leur véritable source. Plus généralement ce qui est souvent qualifié de « retour du religieux » est sans doute bien davantage un « recours » au religieux en des temps troublés, en même temps qu’une individualisation du religieux. Des solutions laïques innovantes ne seront pas trouvées dans la nostalgie des siècles passés mais beaucoup plus dans l’invention de nouvelles Lumières.

Les dates à retenir :

XVIIe : Grotius, Hobbs, Locke, … théoriciens de la laïcité.

1787 : Constitution américaine (la première qui dissocie l’appartenance religieuse et la citoyenneté).

1789 : Déclaration (française) des droits de l’homme et du citoyen.

1859 : Séparation mexicaine de l’Église et de l’État.

1882 : Laïcisation de l’école publique en France.

1905 Séparation française des Églises et de l’État.

1946 : Inscription de la laïcité dans la Constitution française.

1989 : Première « affaire de foulards islamiques ».

2000 : Loi française sur la parité.

2001 : Attentats du 11 septembre aux États-Unis.

2021 : Projet de loi française sur le « séparatisme ».

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CONFÉRENCIER

Jean Baubérot a été le premier titulaire de la chaire "Histoire et sociologie de la laïcité" à l’École pratique des Hautes Études (Sorbonne, Paris) dont il est le Président honoraire. Il a fondé le Groupe Sociétés Religions Laïcité (CNRS-EPHE) et en est toujours membre. Il est docteur honoris causa de l'Université de Bruxelles. Il a publié de nombreux ouvrages concernant la laïcité dont les "Que sais-je?" Histoire de la laïcité en France (7ème édition mise à jour, 2017) et Les laïcités dans le monde (PUF, 5ème édition mise à jour, 2020), ainsi qu'un roman historique, Improbables amours. Émile Combes et la princesse carmélite (éd. de la Libre pensée, 2020). Il est le co-auteur d'une Déclaration universelle sur la laïcité au XXIe siècle, signée par 250 universitaires (2005).