VIENNE EN 1900 : LES ROSES NOIRES DE SALOMÉ

VIENNE EN 1900 : LES ROSES NOIRES DE SALOMÉ

Vienne, capitale d’un empire immense, semble en 1900 un corps exsangue dans un manteau du sacre trop lourd, trop grand, trop rigide. L’Europe du XIXème siècle a promené les souverains de chaque nation d’Expositions universelles en inaugurations, de représentations d’opéra en régates ensoleillées, avant que la politique belliqueuse ne reprenne la marche de l’histoire. Les révolutions russes, la crise des Balkans, entre autres, bousculent les pièces de l’échiquier attendant toutes la chute d’un roi ou son assassinat pour revendiquer de nouvelles stratégies et modifier les règles du jeu.

La capitale de l’empire austro-hongrois, figée par l’absolutisme des Habsbourg, assiste à son propre déclin. Dérivant en marge de la réalité, telle une île, elle fascine les artistes, les musiciens, les écrivains. Dans une atmosphère à la fois surannée et d’une intense exigence intellectuelle, la vie culturelle et mondaine se déroule comme si elle était à l’abri d’une serre qui voit fleurir le mouvement Sécession né quelques années auparavant à Munich. Dans les fastes de la capitale austro-hongroises, la Sécession trouve un décor à sa démesure et à son utopie. Le modèle influencera des colonies et des cercles intellectuels à Darmstadt, Bruxelles, Zurich, Merano, formant une galaxie artistique absolument fascinante autour d’une ville qui pourrait figurer un astre noir ou l’obscur citerne de Jean-Baptiste dans l’opéra Salomé.

Prônant un idéal artistique vertueux en décloisonnant les arts et l’artisanat, la Sécession viennoise est aussi assoiffée d’absolu. Portée sur l’introspection, le rejet des conventions, l’observation des carences de l’âme humaine, elle se nourrit de pensées morbides que lui autorise le confort le plus bourgeois. Dans cette atmosphère paradoxale, la réalité de la Première guerre mondiale verra les motifs de cette quête éperdue visant à transformer la société se dissoudre dans l’effondrement de l’Empire. Tel la chute d’un rêve, son dénouement est une impasse : le 12 mars 1938 voit l’annexion de l’Autriche par les troupes allemandes.

Les dates à retenir :

1848 : accession au trône impérial de François-Joseph 1er jusqu’en 1916. Le territoire comprend en partie ou totalité la Hongrie, la Tchéquie, la Slovaquie, la Pologne, l’Ukraine, la Roumanie, la Slovénie, la Croatie, la Serbie, la Bosnie, l’Italie du Nord.

1870 : création de l’école d’art de La Chaux-de-Fonds sous l’impulsion des manufactures horlogères.

1882 : Bismarck accroit l’alliance des trois empereurs (Allemagne, Russie, Autriche-Hongrie) avec l’Italie.

1883 : création à Bruxelles du Groupe des XX, un cercle artistique d’avant-garde.

1892 : le mouvement artistique Sécession naît à Munich avant de gagner Vienne 5 ans plus tard.

1902 : Otto Wagner remporte le prix pour la construction d’un asile psychiatrique à Hütteldorf, aux portes de Vienne.

1900 : parution de L’interprétation du ou des rêves de Sigmund Freud.

1903 : création des Wiener Werkstätte, les ateliers viennois rassemblant les arts appliqués.

1905 : création à Dresde de l’opéra de Richard Strauss : Salomé.

1912 : publication de l’almanach du Cavalier bleu (Der Blaue Reiter) à Munich.

1914 : assassinat du prince héritier autrichien, l’archiduc François-Ferdinand de Habsbourg.

MARDI 06 AVRIL
À 10H

Votre conférencier

Stéphane Dubois-dit-Bonclaude est historien de l’art, dessinateur et auteur de plusieurs ouvrages sur les arts appliqués. Il a conduit sa carrière professionnelle à Genève plus sensiblement auprès du Service cantonal de la culture.


À lire pour aller plus loin :

Rainer Maria Rilke, Chant de l’amour et de la mort du cornette Christophe Rilke, Éditions Suhrkamp Verlag, 1899.

Joseph Roth, La crypte des Capucins (1938), Éditions du Seuil, 1983.

Stefan Zweig, Ivresse de la métamorphose (1939), Éditions Belfond, 1984.

Catalogue de l’exposition : Vienne 1880-1938, L’apocalypse joyeuse, Éditions RMN, 1986.

Christian M. Nebehay, Gustav Klimt, Éditions Thames & Hudson, 1994.

Pierre Loze, L’Art Nouveau, Éditions Flammarion, 1999.

Rodolphe Rapetti, Le Symbolisme, Éditions Flammarion, 2005.

Catalogue de l’exposition : Le style Sapin à la Chaux-de-Fonds, Éditions d’art Somogy, 2006.

Edmund De Waal, Le lièvre aux yeux d’ambre, Éditions Albin Michel, 2011.