L’ITALIE ACHEVÉE, IL FALLAIT « FAIRE LES ITALIENS ». MÉMOIRE ET PÉDAG

 L’ITALIE ACHEVÉE, IL FALLAIT « FAIRE LES ITALIENS ». MÉMOIRE ET PÉDAGOGIE NATIONALE EN ITALIE

L’historiographie a mis en valeur la “fragilité” de l’identité de la nation italienne. Durant les années qui ont suivi l’unification il est apparu nécessaire de « faire les Italiens », c’est-à-dire de fixer des traits communs à l’ensemble d’un peuple. Le Risorgimento est devenu un mythe fondateur, créé et entretenu par la mise en place de musées, d’une riche statuaire, d’institutions commémoratives et d’une iconographie politique largement diffusée. Durant le premier conflit mondial, les interventionnistes ont ainsi utilisé le Risorgimento pour voir dans l’engagement italien aux côtés des alliés une quatrième guerre d’indépendance. Le fascisme de son côté a éprouvé le besoin d’utiliser le Risorgimento pour y trouver une légitimité au fascisme dans l’histoire de l’Italie.

La Résistance à l’opposé a voulu arracher le Risorgimento à son interprétation fasciste pour lui redonner sa dimension progressiste de mythe fondateur dans l’histoire du peuple italien. Cette mémoire du Risorgimento est restée dominante jusqu’à la crise récente de la politique qui dans les années 1990 a vu réapparaître, en Italie, une tentation séparatiste et des idées fédéralistes sans bases historiques réelles et soutenue en particulier par la création du faux mythe de la « Padanie ».

La “mémoire” du Risorgimento “construite” largement au prisme de la littérature jusqu’au tournant de 1861 est aussi restée partagée entre des courants politiques différents, voire opposés. Parmi les livres lus par la jeune génération, le livre Cuore de Edmondo de Amicis occupe une place particulière. L’éducation patriotique s’est alors développée sur deux registres distincts : d’un côté l’image exemplaire des petits héros de la lutte des Italiens comme « le petit écrivain public florentin… » « la petite vigie lombarde » « le tambour sarde »… d’un autre côté, une première tentative pour dessiner à la fois des valeurs et surtout des frontières nationales. Par ailleurs une place importante a été accordée à la « monumentalisation » du Risorgimento , dans le nom des rues, sur les places des villes italiennes sur lesquelles furent installées des statues de ses principaux héros (Victor Emmanuel II, Cavour et Garibaldi surtout). Ce paysage mémoriel très divers mais aussi fragile sera utile à explorer à nouveau.

Les dates à retenir :

1807 : Ugo Foscolo publie le poème Les Tombeaux.

1818 : Publication à Milan du premier numéro de la revue Il Conciliatore, principal organe de la culture romantique en Italie.

1821 : Gian Pietro Vieusseux et Giuseppe Capponi fondent à Florence la revue Antologia, revue qui devient une référence dans la culture toscane et nationale.

1824 : Giacomo Leopardi (1798-1837) publie les Operette Morali. Publication des Annali universali di statistica.

1827 : Première édition des Fiancées (I promessi Sposi) d’Alessandro Manzoni.

1832 : Giuseppe Mazzini fonde la Jeune Italie.

1832 : Silvio Pellico publie Le mie Prigioni.

1839 : Construction de la première ligne de chemin de fer : Napoli-Portici.

Premier numéro de la revue Il Politecnico dirigée par Carlo Catteneo.

1842 : Première représentation du Nabucco de Giuseppe Verdi.

1843 : Vincenzo Gioberti publie Del Primato morale e civile degli italiani.

1844 : Cesare Balbo publie Le Speranze d’Italia.

1861 : À Turin ouverture du premier parlement italien (17 mars). Victor-Emmanuel II prend le titre de Roi d’Italie.

Le 6 juin mort de Cavour. Bettino Ricasoli est nommé premier ministre.

1871 : Le Parlement italien approuve la loi des Garanties ou, selon la formule de Cavour : « Une Église libre dans un État libre». Refus de Pie IX. La capitale du royaume est transférée à Rome. Giuseppe Verdi compose l’Aida pour célébrer l’ouverture du Canal de Suez.

Votre conférenciere

Elena Musiani est docteure en Histoire contemporaine de l’Université de Bologne et chargée de recherche à l’Université de Bologne. Ses travaux portent sur l’histoire politique et sociale de l’Italie du XIXe siècle et sur l’histoire des femmes. Elle a publié en 2018 Faire une nation. Les Italiens et l’unité (XIXe-XXIe siècle), Paris, Gallimard.

À lire pour aller plus loin :

Pierre Milza, Histoire de l’Italie. Des origines à nos jours, Paris, Fayard, 2005.

Frétigné J.-Y. et Fournier-Finocchiaro L. (dir.), L’Unité italienne racontée vol. 1 Interprétations et commémorations, numéro spécial de la revue Transalpina n° 15, Caen, Presses universitaires de Caen, 2012.

Elena Musiani, Faire une nation. Les Italiens et l’unité (XIXe-XXIe siècle), Paris, Gallimard ( Folio Histoire), 2018.