Hannibal

HANNIBAL

Le fils de la Foudre

Né en 247 ou 246 d’une famille aux origines mythiques selon Silus Italicus, Hannibal était l’aîné des fils d’Hamilcar, dit Barca (ce qui signifie “la Foudre”) en raison de ses grandes qualités militaires (surnom transmis ensuite à toute la famille). Ses frères furent Hasdrubal “le Jeune” et Magon. Le fameux serment, qu'il aurait prononcé à l’âge de neuf ans en présence de son père, Hamilcar, devant l’autel “de ne jamais être ami du peuple romain” est considéré comme authentique par la plupart des critiques. Ce moment représente, pour Hannibal, la prémisse et le point de départ de toute sa vie future.


La guerre contre Rome

Arrivé en Espagne à la suite de son père, Hannibal gagna rapidement l’estime et le dévouement absolu de toute l’armée grâce à ses dons extraordinaires. Lorsque son beau frère, Hasdrubal l’Ancien, succéda à Hamilcar, tombé au combat, il devint le responsable des corps de cavalerie ; ensuite, à la mort de celui-ci, l’armée elle-même choisit le jeune général comme commandant en chef. La destruction de Sagonte (219) et le déclenchement de la guerre, le passage des Pyrénées et des Alpes, les victoires – le Tessin, la Trébie, le lac Trasimène et surtout Cannes (216), la plus terrible parmi les défaites de Rome - marquent les étapes de son épopée.


Cannes, un chef d'œuvre tactique sans lendemain

Face aux ravages de l’armée punique et en raison de l’impatience des alliés de Rome, l’inaction de Fabius Maximus – qu’on soupçonnait d’entente avec une partie de la noblesse punique - avait contribué, à la fin de l’année 217, à l’émergence de nouvelles personnalités dirigeantes, parmi lesquelles l’homo novus C. Terentius Varro, élu consul. Le sénat voulait désormais une bataille décisive. Au début de l’été, lors qu’Hannibal quitta Géreonium et s’empara de la citadelle de Cannes, Rome rassembla contre lui une formidable armée composée de 8 légions renforcées des contingents alliés, soit près de 80 000 hommes. L'armée punique que dirigeait Hannibal ne comptait guère plus de 50 000 hommes.   

Le 2 août 216 av. J.-C. non loin de la cité de Cannes, Rome essuya pourtant la plus écrasante des défaites de son histoire. Aspirés sur le centre punique et enveloppés sur les côtés, leurs ailes refoulées tandis que la cavalerie lourde punique parvint à fermer la nasse, les Romains furent anéantis. Depuis, cette géniale manœuvre a fait date au point qu'aujourd’hui encore elle est étudiée dans les académies militaires du monde entier. Rome perdit en cette funeste journée le consul Paul Émile, l’ex consul Servilius Geminus, le maître de la cavalerie de Fabius Maximus, Marcus Minubius Rufus, 80 sénateurs et 50 000 soldats Romains et alliés.


Hannibal contre Scipion : un choc de titan

Aucune autre cité n’aurait pu continuer la guerre. Mais Rome n’était plus une polis, elle était une civitas, une construction territoriale et politique d'une dimension beaucoup plus vaste qui intégrait les aristocraties de l’Italie tyrrhénienne tout entière. Loin de se rendre, la Ville engagea contre son redoutable adversaire une guerre totale, qu’il ne pouvait gagner.

Rome donc ne céda pas. Contraint de subir la nouvelle stratégie de cunctatio, de temporisation voulue par Quintus Fabius Maximus, il fut peu à peu épuisé. Après presque 15 ans de guerre en Italie (et presque 200 000 victimes pour la péninsule), sans avoir jamais été vaincu, Hannibal rentra en Afrique où il fut battu par Publius Cornelius Scipion lors de la bataille de Zama (202).


La mort et la gloire

Après la guerre il fut suffète à Carthage, dont il promut la renaissance économique. Contraint à l’exil en 195, il erra ensuite dans l’est méditerranéen, séjournant d’abord auprès d’Antiochos III, roi de Syrie, et ensuite entre la Crète, l’Arménie et la Bithynie, où il se suicida en 183.

Grand stratège et surtout tacticien parmi les plus grands de l’histoire, personnalité gigantesque, polyglotte comme beaucoup de ses compatriotes, il reçut une double éducation, punique et grecque. Il tira les fondements de la morale, de la politique, de l’économie de sa culture d’origine ; mais, venant de l’une des familles puniques les plus ouvertes à la culture grecque, tous les domaines de celle-ci lui furent familiers, tels l’amour de l’art et de la philosophie. De ses maîtres grecs (Sosilos, en particulier) il reçut une formation militaire parfaite. Quant à la stratégie, il s’inspira de celle mise en œuvre par son modèle le plus illustre, Alexandre le Grand, la guerre éclair. Il modifia la manœuvre enveloppante à la macédonienne : Cannes en fut l’exécution la plus parfaite. Son amour pour les strategemata en fit un adversaire déroutant. 

Les dates à retenir :

246 av. J.-C. : naissance d'Hannibal.

241 av. J.-C. : fin de la Ière guerre punique.

237 : Hamilcar se rend en Espagne avec son fils, qui y prête son célèbre serment.

229 : mort d'Hamilcar, auquel succède Hasdrubal l'Ancien.

226 : traité de l'Èbre.

221 : mort d'Hasdrubal : Hannibal devient commandante en chef.

219 : siège et conquête de Sagonte.

218 : début de la guerre. Hannibal traverse les Pyrénées et les Alpes. En hiver, il remporte les victoires du Tessin et de la Trébie.

217 : Hannibal traverse l’Apennin. Il écrase les armées romaines sur les rives du lac Trasimène. Fabius Maximus est nommé dictateur.

216 : Bataille de Cannes. Durant la même année, des cités grecques de Sicile se révoltent contre le contrôle politique des Romains. La défaite force les consuls à adopter la tactique de refus de toute bataille rangée contre Hannibal par Fabius Maximus.

215 : le roi Philippe V de Macédoine noue une alliance avec Hannibal.

215/12 : Rome augmente ses effectifs par une politique d'enrôlement.

211 : les sorts de la guerre commencent à changer : Rome reconquiert Capoue et Syracuse.

210 : Hannibal est repoussé de plus en plus vers le sud. Les Romains tentent de contre-attaquer en Hispanie, sous le commandement de Scipion l'Africain.

207 : Hasdrubal le jeune, frère d'Hannibal, battu par Scipion l'Africain, parvient à quitter l'Hispanie mais est tué sur les rives du Métaure.

206 : les carthaginois sont chassés de l'Hispanie.

205 : Scipion est élu consul.

204/03 : Victoires de Scipion en Afrique.

203 : Hannibal quitte l'Italie.

202 : Bataille de Zama.

195 : Hannibal est exilé.

183 : Mort d'Hannibal et de Scipion l’Africain.

Votre conférencier

Giovanni Brizzi est professeur émérite à l'Alma Mater Studiorum, l'Université de Bologne. Il a également enseigné auprès des Universités de Sassari et Udine, ainsi qu'à l’Université Paris IV-Sorbonne. Titulaire des Palmes académiques, il est membre de l'académie des Sciences de Bologne. En 1999, son ouvrage Annibale. Come un’autobiografia a gagné le prestigieux prix Mario di Nola, dans la catégorie des ouvrages historiques, décerné par l'Accademia dei Lincei. Il a écrit plus de 130 ouvrages, souvent traduites dans plusieurs langues, dont huit monographies consacrées à des personnages de la république romaine.

À lire pour aller plus loin :

Giovanni Brizzi, Moi, Hannibal… Mémoires d’un homme de guerre hors du commun, Les Éditions Maison, 2007.

Habib Boularès, Hannibal, Perrin, 2000.


En italien :

G. Brizzi, Scipione e Annibale. La guerra per salvare Roma, Laterza Ed., 2007.

G. Brizzi, Canne. La sconfitta che fece vincere Roma, Il Mulino, 2016.