Emma Goldman : la lutte sans fin

EMMA GOLDMAN : LA LUTTE SANS FIN

Emma Goldman (1869-1940) fut une femme de nombreux combats. Anarchiste, opposée à la guerre, militante du droit à la contraception, de l’amour libre, de la liberté d’expression, opposée au système capitaliste des États-Unis et critique de la dictature soviétique, elle fut au cœur de l’effervescence politique et sociale du début du 20ème siècle, allant d’exil en exil et de lutte en lutte.

Née dans l’empire russe, elle émigra aux États-Unis avec sa sœur en 1885 ; c’est dans ce pays qu’elle construisit son parcours de militante anarchiste et féministe, prononçant des centaines de conférences, publiant des textes, tout en essayant de survivre par de multiples métiers et le soutien de ses camarades et amis. Accusée de complicité dans l’assassinat du président américain McKinley, pourchassée par la police, arrêtée à de multiples reprises, elle fut longtemps considérée comme la femme la plus dangereuse d’Amérique. Son opposition à la Première Guerre mondiale lui valut d’être déchue de sa citoyenneté américaine et déportée en Union Soviétique, où bien vite les espoirs qu’avait pu faire naître en elle la révolution bolchévique furent éteints par la réalité de la dictature et la répression féroce du régime soviétique à l’encontre des anarchistes. Avec son camarade de toujours Alexandre Berkman, elle fuit l’URSS et se retrouva pendant des années à errer de pays en pays, aucun ne voulant prendre la responsabilité de l’accueillir complètement. Elle ne renonça pourtant pas à ses combats ; après la mort de Berkman, elle s’engagea dans la guerre civile espagnole aux côtés des anarchistes, se faisant leur porte-parole auprès des communautés militantes de France et d’Angleterre. Si elle réussit à revenir une fois aux États-Unis pour la publication de son autobiographie, c’est toujours en exil, au Canada, qu’elle s’éteignit en 1940, sans jamais avoir renoncé à lutter.

Cette conférence retracera les principaux combats d’Emma Goldman : que ce soit autour du droit des femmes, de l’opposition à la guerre, de l’éducation ou de la critique du système pénitentiaire, ceux-ci sont toujours d’actualité. Goldman, qui voulait une révolution joyeuse et était loin de l’ascétisme militant de certains de ses contemporains et contemporaines, a souvent créé la controverse parmi ses camarades comme au sein de la société capitaliste qu’elle combattait. En perpétuelle tension entre la révolution sociale et les besoins individuels, elle a tracé un chemin original tout en se plongeant dans les luttes de son époque.

Les dates à retenir :

1869 : Naissance à Kaunas, dans l’empire russe (actuelle Lithuanie).

1885 : Emma Goldman émigre aux Etats-Unis avec sa sœur Helena.

1887 : L’affaire des « pendus de Chicago » la convertit à l’anarchisme.

1892 : Alexandre Berkman tente d’assassiner Henry Clay Frick et est condamné à 22 ans de prison.

1901 : Assassinat du président McKinley par Leon Czolgosz ; Goldman est soupçonnée de complicité et harcelée par la police.

1906 : Goldman fonde la revue Mother Earth.

1915 : Goldman fait une série de conférences sur la contraception, pour lesquelles elle sera arrêtée en 1916.

1917 : Goldman et Berkman sont arrêtés pour s’être opposés à la conscription. Ils seront déportés en 1919 en Union soviétique.

1921 : Goldman et Berkman quittent l’URSS après avoir soutenu la révolte des marins de Cronstadt.

1936 : après la mort de Berkman, Emma Goldman s’engage dans la guerre civile espagnole aux côtés des anarchistes.

1940 : Emma Goldman meurt à Toronto.

JEUDI 03 JUIN À 10H

Votre conférencière

Alice Béja est maîtresse de conférences en études américaines à Sciences Po Lille, chercheuse au CERAPS-CNRS. Ses recherches portent sur les mouvements de gauche aux États-Unis entre 1870 et 1940 (socialisme, anarchisme, communisme), les rapports entre littérature et politique et les politiques de l'alimentation et de la nourriture outre-Atlantique. Elle a notamment publié Des mots pour se battre. John Dos Passos, la littérature et la politique (Paris: Honoré Champion, 2015). En 2018, elle a produit un documentaire sur Emma Goldman pour l'émission "Une vie, une œuvre" de France Culture, intitulé "Emma Goldman: Vivre la révolution". Ancienne élève de l’École Normale Supérieure de Lyon, agrégée d'anglais, elle a été secrétaire de rédaction puis rédactrice en chef de la revue Esprit (2011-2015) et attachée de coopération scientifique et universitaire à l'Ambassade de France au Royaume-Uni (2018-2020). Elle anime avec d'autres collègues un séminaire de recherche sur la gauche aux États-Unis intitulé "Du socialisme en Amérique" depuis septembre 2020.

À lire pour aller plus loin :

De nombreux textes d’Emma Goldman sont consultables librement (en anglais) sur le site dédié de l’Université de Berkeley.

Alice Béja, “Emma Goldman, vivre la révolution”, documentaire pour France Culture, 29 septembre 2018.

Emma Goldman, Vivre ma vie. Une anarchiste au temps des révolutions, L’Échappée, 2018.

Emma Goldman, L’agonie de la révolution. Mes deux années en Russie (1920-1922), Les nuits rouges, 2017.

Max Leroy, Emma Goldman, une éthique de l’émancipation, Atelier de création libertaire, 2014.