Pillages, provenance et restitution : quels musées pour l'Afrique ?

 PILLAGES, PROVENANCE ET RESTITUTION : QUELS MUSÉES POUR L'AFRIQUE

Longtemps exploité, pillé, privé de ses ressources humaines et matérielles, le continent africain entend aujourd’hui s’appuyer sur son patrimoine culturel pour tenter de reconstituer son histoire depuis une perspective extra-européenne. Suite au Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Vers une nouvelle éthique relationnelleÀ l’, remis par Felwine Sarr et Bénédicte Savoy au président de la République française en novembre 2018, la question des restitutions des œuvres mal acquises par les musées extra-africains se pose de façon accrue. Les deux universitaires mandatés par le gouvernement ont avancé ce que certains considèrent comme une vision maximaliste en la matière, à savoir un plaidoyer déterminé en faveur de la restitution de l’ensemble des artefacts détenus par des musées occidentaux et dont la provenance et l’histoire témoignent d’une appropriation par la violence, soit comme butins de guerre soit par l’appropriation à des fins mercantiles.

Au-delà des réticences énoncées par les tenants d’une vision scrupuleuse de la mission de conservations confiée aux musées, selon la définition du musée retenue par le Conseil international des musées (ICOM), se pose la question fondamentale de la nature, la légitimité et la fonction du musée au XXIe siècle : forme institutionnelle issue de la conversion de collections évergétiques en collections nationales essentiellement dédiées à la l’éducation des publics et la formation des futurs artistes, quelles fonctions le musée serait-il appelé à exercer sur le continent africain ? Pour les promoteurs d’une vision panafricaine du développement de l’Afrique, la notion même d’universalisme associée au musée depuis les Lumières serait elle-même porteuse d’un ethnocentrisme, voire d’un européocentrisme aujourd’hui franchement dépassés.

Après avoir examiné les arguments retenus par Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, nous nous intéresserons aux thèses d’Achille Mbembe et du « Tout-Monde » défendu par Édouard Glissant, avant d’examiner le tissu culturel aujourd’hui déployé sur le continent à travers la création de biennales et de foires d’art contemporain et africain.

Les dates à retenir :

1885 : Conférence de Berlin.

1908 : Création du musée du Congo belge.

1931 : Exposition coloniale à Paris.

1937 : Création du musée de l’Homme.

2000 : Création du pavillon des Sessions au Louvre.

2006 : Inauguration du Musée Quai Branly(-Jacques Chirac).

2007 : Discours de Dakar, Nicolas Sarkozy.

2018 : Remise du rapport de Felwine Sarr et Bénédicte Savoy à Emmanuel Macron.

2021 : Ouverture prévue du Grand Musée Égyptien au Caire.

LUNDI 14 JUIN À 10H

Votre conférenciÈre

Diplômée de l'École du Louvre en histoire de l'art et en muséologie, Géraldine Bretault est conférencière, traductrice et créatrice de contenus culturels. Elle est une collaboratrice régulière des revues Perspective de l’INHA, Beaux Arts Magazine et La Revue de l’art. Des séjours de longue durée à l'étranger (Milan et New York) lui ont permis de tisser des liens singuliers avec ces villes et leur culture. Elle a notamment travaillé au MAD Museum (Art et Design) et au New Museum de New York.

À lire pour aller plus loin :

Achille Mbembe, Brutalisme, La Découverte, 2020.

Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Vers une nouvelle éthique relationnelle, Le Seuil, 2018.

Le Modèle noir de Géricault à Matisse, catalogue d’exposition, Coédition Musées d'Orsay et de l’Orangerie / Flammarion, 2019.

Dan Hicks, The Brutish Museums: The Benin Bronzes, Colonial Violence and Cultural Restitution, The Pluto Press, 2020.

Édouard Glissant, Tout-monde, Gallimard, 1993.