La violence aux États-Unis - visioconférence Storia Mundi

La violence aux États-Unis

De l’invention du Colt à la tuerie du lycée Columbine, de l’assassinat du président Kennedy à l’affaire Weinstein, la violence et sa dénonciation sont des composantes structurelles de la vie sociale et politique des États-Unis. Des événements et des images hors normes — un forcené qui tue 58 personnes lors d’un concert à Las Vegas, la mort d’un homme sous le genou d’un policier — frappent régulièrement le monde de sidération, jusqu’à interroger l’identité du pays qui demeure le premier soft power mondial. Des mouvements très actuels, fédérés par des hashtags comme #BlackLivesMatter, #MeToo ou encore #NeverAgain font de la violence un enjeu électoral central qui s’exporte volontiers au-delà des frontières.

Or, les violences qui sont dénoncées (violences policières pour #BlackLivesMatter, violence armée pour #NeverAgain ou même violences sexuelles pour #MeToo) ont une spécificité très particulière Outre-Atlantique. Le but de cette première conférence d’une série de deux est d’explorer cette dimension. 

Des origines aux années 1960, la violence, instrument de domination au service des catégories dirigeantes (on pense au génocide indien, à l’esclavage, aux stérilisations forcées), était surtout conçue comme un mal nécessaire à la « destinée manifeste » de l’américain en tant qu’homme nouveau. Elle était aussi un outil indispensable à la réalisation de l’idéal démocratique dont se réclamait ce pays nouveau, au point d’être inscrite dans la Constitution : son deuxième amendement, en ouvrant le droit des Américains aux armes à feu, sanctifie le droit des citoyens à l’insurrection contre un gouvernement qui serait estimé tyrannique. Le premier amendement, lui, protège le droit à faire l’apologie de la violence, ce dont les mouvements suprémacistes et néo-nazis ne se privent pas.

Mais si la violence est consubstantielle de la défense des droits des citoyens, c’est aussi au nom de ces mêmes droits qu’elle est désormais contestée. La bascule a lieu au cours des années 1960 et 1970, et nous chercherons à en cerner les causes et à en estimer les conséquences, en particulier dans le contexte de la présente année électorale.

Les dates à retenir :

1791 : Adoption des dix premiers amendements à la Constitution, qui constituent la Déclaration des droits.

1836 : Brevet du revolver à barillet par Samuel Colt.

1830 : Indian Removal Act : loi de déportation des Indiens au-delà du fleuve Mississippi.

1861-1868 : Guerre de Sécession et fin de l’esclavage.

1924 : Indian Citizenship Act

1934 National Firearms Act : première loi fédérale sur les armes à feu.

Années 1960 : Émeutes raciales, assassinats politiques (président Kennedy, Malcolm X, Martin Luther King, Robert Kennedy), augmentation de la délinquance et des faits de violence, adoption d’une loi fédérale de contrôle des armes (Gun Control Act).

1993 : Signature par Bill Clinton du Brady Act, qui rend obligatoire pour chaque vente d’arme neuve un contrôle des antécédents psychiatriques et judicaires de l’acheteur.

1999 : Fusillade du lycée Columbine.

2012 : Meurtre du jeune Afro-Américain Trayvon Martin par un vigile de quartier et création de Black Lives Matter.


Votre conférencier

Didier Combeau, agrégé et docteur en civilisation américaine, est essayiste et spécialiste des États-Unis. Ses recherches portent sur les questions de violence et plus généralement sur la politique intérieure. Il a notamment publié Des Américains et des armes à feu : démocratie et violence aux États-Unis (Éditions Belin) et Polices Américaines (Gallimard). Son dernier ouvrage, Être Américain aujourd’hui : les enjeux d’une élection présidentielle, est paru en juin 2020 aux éditions Gallimard.

À lire pour aller plus loin :

Didier Combeau, Des Américains et des armes à feu : démocratie et violence aux États-Unis, Belin, 2007.

Michelle Alexander, La couleur de la justice : incarcération de masse et nouvelle ségrégation raciale aux États-Unis, Éditions Syllepse, 2017.

André Kaspi, La nation armée : les armes au cœur de la culture américaine, Éditions de l’Observatoire, 2019.

Barry Latzer, The Rise and Fall of Violent Crime in America, Encounter Books, 2016.

Richard Slotkin, Gunfighter Nation: The Myth of the Frontier in Twentieth-Century America, University of Oklahoma Press, 1998.

Franck Vindevolgel, L’Amérique des prisons : origines et bilan d’une incarcération de masse, Presses Universitaires du Septentrion, 2020.