DE LA CITÉ D’ANTIOCHOS A LA CITÉ DE DIEU : L’ANTIQUITÉ TARDIVE à ANTIO

DE LA CITÉ D’ANTIOCHOS A LA CITÉ DE DIEU : L’ANTIQUITÉ TARDIVE à ANTIOCHE SUR L'ORONTE

La ville d’Antioche sur l’Oronte fut fondée en 300 av. J.-C. par l’un des Successeurs d’Alexandre le Grand, Séleucos Ier Nikator, qui lui donna un nom dérivé de celui que portaient son père et son fils, Antiochos. Elle devint la capitale de l’empire séleucide et demeura à l’époque romaine la capitale de la province de Syrie et la plus importante des cités du Levant. Jusqu’à la fondation de Constantinople en 330 apr. J.-C., elle occupait la troisième place dans la hiérarchie des villes de l’empire, après Rome et Alexandrie. Elle fut à plusieurs reprises résidence impériale, et à partir du début du IVe s., elle abritait le siège du Comte d’Orient, dont l’autorité s’étendait sur l’ensemble du Proche-Orient. Elle perdit de son importance sous la domination arabe mais regagna en prestige lors de la reconquête byzantine (969-1078), puis à l’époque des Croisades, de 1098 à 1268. Elle n’a jamais cessé d’être occupée. De nos jours, elle est désignée comme Antakya et se situe dans la province du Hatay, en Turquie, non loin de la frontière de la Syrie actuelle.

Durant l’Antiquité tardive, la ville, souvent désignée désormais comme « la cité d’Antiochos » s’épanouit : sa population s’accroît, son agglomération s’étend, elle est un centre de pouvoir, d’enseignement, d’activité intellectuelle. Cette ville qui se définit comme la cité de la jouissance (tryphè) et où l’on célèbre jusqu’au début du vie s. un concours olympique s’inscrivant dans la continuité de la religion traditionnelle, est aussi une ville chrétienne, dont les faubourgs sont peuplés d’ascètes et dont les églises sont un élément de la parure monumentale, et où prêche Jean Chrysostome. Sur son territoire, dans les campagnes, c’est aussi une période d’éclatante prospérité, dont témoignent les vestiges de centaines de villages, d’églises et de monastères. Les temps difficiles commencent au vie s. : la ville est frappée par deux tremblements de terre de grande amplitude, puis subit un raid perse dévastateur. Elle est rebaptisée Théoupolis, ou « cité de Dieu », et reconstruite sur une aire réduite.

Des sources écrites abondantes et diversifiées, ainsi que des témoignages archéologiques multiples permettent de retracer l’évolution dans l’Antiquité de cette cité fascinante que l’on surnommait tantôt Antioche la Belle et tantôt Antioche la Grande.

Les dates à retenir :

300 av. J.-C. : fondation de la ville par Seleucos Ier.

63 av. J.-C. : création de la province romaine de Syrie, dont Antioche est la capitale.

337-378 : règnes successifs de Constance II, Julien et Valens. Chacun de ces trois empereurs réside à Antioche pendant une partie de son règne.

Première moitié du Ve s. : extension des remparts de la ville.

Début du VIe s. : la ville est renommée Théoupolis (cité de Dieu).

526-528 : tremblements de terre destructeurs.

540 : prise et sac de la ville par les Perses.

vers 550 : reconstruction de la ville avec une enceinte réduite.

610-628 : occupation perse.

637 : conquête arabe.

Antioche, mosaïque, bouquetins (détail),Musée du Louvre. CC BY-SA 3.0

Votre conférencière

Catherine Saliou est Professeure d’histoire romaine à l’Université Paris 8 et Directrice d’études à l’École Pratique des Hautes Études, PSL. Ses recherches concernent d’une part l’histoire de la ville dans le monde romain, et plus précisément les relations entre les divers types de discours normatifs (littérature juridique ou technique, rhétorique de l’éloge) et les réalités de l’espace urbain[1], d’autre part l’histoire du Proche-Orient romain jusqu’à la fin de l’Antiquité (Le Proche-Orient, ier s. av. J.-C.-viie s. apr. J.-C. De Pompée à Muhammad, Paris, Belin 2020). Ses travaux sur Antioche se situent à la croisée de ces deux axes, et ont eu comme point de départ l’élaboration du commentaire de l’Éloge d’Antioche par Libanios (Libanios, Discours, III : discours 11, Antiochicos, texte établi et traduit par M. Casevitz et O. Lagacherie, notes complémentaires par C. Saliou, Collection des Universités de France, Paris, 2016). Après avoir effectué une thèse sur le droit romain du voisinage (Les Lois des bâtiments, Bibliothèque Archéologique et Historique, tome CXVI, IFAPO, Beyrouth, 1994, 340 p.), elle a édité, traduit et commenté un recueil de droit urbain (Le Traité d’urbanisme de Julien d’Ascalon (VIe s.). Droit et architecture en Palestine au VIe s., Travaux et mémoires du centre de recherche d’histoire et civilisation de Byzance, monographies, n° 8, Paris, 1996, 160 p.), puis le livre V du traité d’architecture de Vitruve, consacré aux édifices publics (Vitruve, De l’Architecture, livre V, texte édité, traduit et commenté par C. Saliou, Collection des Universités de France, Paris, 2009). Elle également dirigé ou co-dirigé plusieurs ouvrages collectifs, sur Antioche et Gaza notamment, et publié de nombreux articles.

À lire pour aller plus loin :

Cabouret, B., Gatier P.-L., Saliou, C. (dir.), Actes du colloque Antioche de Syrie, Histoire, images et traces de la ville antique (Lyon, 4-6 octobre 2001) Topoi, supplément 5, 2004.

Downey, G., A History of Antioch in Syria from Seleucus to the Arab Conquest, 1961.

Les sources de l’histoire du paysage urbain d’Antioche sur l’Oronte (disponible en ligne sur le site de la Bibliothèque universitaire de P8)