Le passé colonial de l’Europe occidentale ne cesse de ressurgir au XXIe siècle. L’histoire de cette dernière à l’époque contemporaine est, de fait, inintelligible si on la prive de sa composante coloniale. Car l’Europe s’est en partie construite par ses projets impériaux, jusqu’à l’expression d’un véritable « ordre colonial européen ». Mouvement général européen, phénomène de domination et d’oppression transcendant les frontières idéologiques, la colonisation a durablement modifié les sociétés « indigènes » et ce, jusqu’à l’intime, mais aussi les métropoles coloniales elles-mêmes en retour. Elle revêt dans ce double mouvement, dans le cadre de « rencontres coloniales » extrêmement diversifiées, de multiples formes – y compris celle de l’extrême violence – selon les empires, les terrains coloniaux et les populations considérés.

Des conquêtes aux indépendances, un nouveau type, inédit, de sociétés et d’économies, coloniales, naissent de cette expansion, puis de ce repli. Avec de passionnants cas de métissage et d’acculturation réciproque. La domination coloniale, en effet, ne peut pas être réduite à une simple opposition binaire entre « colonisateurs dominants blancs » et « colonisés dominés indigènes ». Ces catégories clivantes méritent à l’évidence un traitement plus fin, la réalité vécue en situation coloniale étant le plus souvent beaucoup plus subtile et complexe que la confrontation manichéenne de groupes ethniques perçus exclusivement sur le mode de l’antagonisme. Tensions, discordances, interactions, hybridations, circulations, transferts et acculturations réciproques entre populations colonisées et européennes furent aussi étroits, ambivalents que féconds.

Les pratiques coloniales des Européens, avec des points communs et des différences, recouvrent des phénomènes les plus divers. Ces pratiques sont désormais étudiées non plus seulement du point de vue européo-centré des colonisateurs vainqueurs, mais en intégrant le point de vue des ex-colonisés, dans une démarche croisée, et une perspective de « nouvelle histoire impériale », étudiant les influences réciproques entre dominants et dominés. États européens et colonies se sont ainsi, en effet, mutuellement construits.

La conférence fera notamment le point sur les renouvellements historiographiques les plus récents sur un sujet toujours polémique en 2020. Elle insistera notamment sur les conséquences, acquis, passifs et séquelles qui subsistent encore aujourd’hui dans les sociétés postcoloniales

Les dates à retenir :

1830 : prise d’Alger par la France
1859 : prise de Saigon par la France
1876 : la reine Victoria devient impératrice des Indes
1881 : adoption du Code de l’indigénat
1897-1902 : Paul Doumer, gouverneur général de l’Indochine
1922 : apogée de l’Empire colonial britannique
1931 : Exposition coloniale à Paris, réunissant plus de 10 millions de visiteurs
1945-1954 : guerre d’Indochine
1954-1962 : guerre d’Algérie
1956 : loi-cadre Defferre sur l’évolution des territoires d’outre-mer

Votre
conférencier

Amaury Lorin, docteur en histoire de l’Institut d’études politiques de Paris, a vécu cinq ans en Asie (Chine, Vietnam, Birmanie). Il a notamment codirigé Nouvelle histoire des colonisations européennes (XIXe-XXe siècles) : sociétés, cultures, politiques, Paris, PUF, coll. « Le Nœud gordien », 2013 ; et L’Europe coloniale et le grand tournant de la Conférence de Berlin (1884-1885), Paris, Le Manuscrit, coll. « Carrefours d’empires », 2013.