Les yeux dans les yeux - autoportraits d'artistes

LES YEUX DANS LES YEUX - AUTOPORTRAITS D'ARTISTES

Il est toujours fascinant de découvrir des autoportraits dans la production d'un artiste. Alors que certains n'en réalisent aucun, d'autres égrènent leur carrière de ces face-à-face insistants. Qu'est-ce que les artistes traquent derrière la représentation de leur propre visage ? À saisir l'impalpable de leur vie intérieure ? À interroger le sens de la figure et, à travers elle, celui de la peinture et de la représentation ? Ou faut-il y voir la revendication d'un statut en même temps qu'un manifeste artistique ?

A la fin du 19e siècle et surtout au 20e siècle, la pratique de l’autoportrait s’impose chez les artistes comme outil d’exploration du portrait, motif évident d’auto affirmation puis tremplin humoristique au narcissisme parfois grinçant. En somme, se peindre soi-même revient à peindre tous les autres. Léonard de Vinci ne disait-il pas déjà que « Tout peintre se peint lui-même », que toute représentation parle autant de celui qui est représenté que de celui qui représente. 

De Vincent Van Gogh à Pierre Béteille en passant par Ernst Kirchner, Francis Bacon, Frida Kahlo, Yue Minjun et bien d'autres ; de la quête d'une vérité intérieure à l'autodérision, cette conférence vous conduira à la rencontre de ces artistes dont les regards s'offrent si radicalement aux nôtres.

Les dates à retenir :

1452 : Jean Fouquet (1420-1478) se représente dans un médaillon ornant le cadre d’un diptyque peint pour Etienne Chevalier, trésorier de Charles VII. En ajoutant sa signature à ce premier autoportrait de la peinture française, il affirme son statut d’artiste.

Au début du 16e siècle : Albrecht Dürer (1471-1528) réalise plusieurs autoportraits, présentés comme des jalons dans sa vie d’artiste et d’homme tandis que le peintre italien Parmigianino (1503-1540) étudie les déformations d’un miroir convexe sur le reflet de son propre visage.

Au 17e siècle : Rembrandt (1606-1669) est le premier à se représenter tout au long de sa vie : nous lui connaissons plus d’une centaine d’œuvres de ce type, réalisées en quarante ans. Au même moment, Velázquez affirme son statut de peintre du roi en se représentant en train de peindre sur le tableau des Ménines (1656) et Nicolas Poussin livre un portrait de lui-même en artiste en 1650. Tous revendiquent ainsi un statut particulier, celui d’artiste reconnu.

Au 19e siècle : le peintre se représente aisément dans ses propres mises en scène tel David dans le Sacre de Napoléon, Gustave Courbet dans L’Atelier jouant de l’autocitation afin d’attester de l’authenticité de la scène. Mais ce sera surtout Vincent Van Gogh qui peignant 43 autoportraits entre 1880 et 1890 marquera profondément l’idée d’un face-à-face avec soi-même comme d’une introspection et d’un questionnement sur la représentation. La découverte de l’inconscient et des études de Sigmund Freud ouvre de nouvelles voies d’exploration.

Au 20e siècle : la crise de la figure trouve son écho dans des figures en crise et par la représentation de soi-même Ernest Kirchner, Frida Kahlo ou Francis Bacon explorent les profondeurs torturées de leur être. La fin du siècle et le 21e siècle renoueront avec le genre sur un mode plus léger, et s’enchaineront les déclinaisons infinies d’Andy Warhol, l’ironie de Yue Minjun et les provocations de Maurizio Cattelan.

En parallèle, l’autoportrait photographique se développe aussi : depuis le tout premier de Robert Cornélius en 1839 à la mode actuelle des selfies. 

Votre
conférencière

Nathalie Douay est historienne de l'art et conférencière nationale.

À lire pour aller plus loin :

Robert Bared et Natacha Pernac, La peinture représentée. Allégories, ateliers, autoportraits, Editions Hazan, 2013.

Catalogue d’exposition, De Rembrandt au selfie, Musée des Beaux-arts de Lyon, Editions Snoeck, 2016.