Le demi-huit :
ou quand le quatre n'en était pas encore un
Quatre est la moitié de huit. C’est une vérité générale qu’on ne peut discuter, c’est un fait mathématique et personne ne pourra me contredire. Mais pour le Moyen Âge occidental, cette vérité arithmétique est aussi une vérité… graphique !
Il vous est peut-être déjà arrivé, en visitant un monument médiéval, de trouver une inscription de date. Les chiffres, quoique parfois un peu biscornus, sont identifiables pour la plupart : un 1, un 2, un 3…
Et puis il y a ce signe étrange que l’on rencontre parfois. Une boucle dont la fermeture en bas se termine par deux petites pattes. Ou bien, dans une graphie plus anguleuse, un X dont les deux extrémités supérieures seraient jointes par un trait horizontal.
Rassurez-vous, rien de mystique dans tout ça ! Il s’agit simplement du chiffre 4 tel qu’on avait l’habitude de l’écrire au XVème siècle. À cette époque, les chiffres arabes tels que nous les utilisons aujourd’hui commencent à s’imposer en Europe. Exit donc les jolis IV romains (parfois aussi des IIII, comme on en voit encore sur certains cadrans d’horloge). Place donc au 4, ou plutôt à ce qui va le devenir.
En effet, si vous prenez ce fameux X fermé en haut et que vous le faites pivoter de 45° vers la gauche, vous obtenez… Eh oui, un 4 !
Mais alors, quel rapport avec huit, le double de quatre ? C’est que cette fameuse boucle avec des pattes, l’autre graphie du chiffre, s’apparente à la boucle supérieure du 8. Un 8 dessiné à moitié, quatre, moitié de huit… La boucle est bouclée !
(Photo : M.M.)
Date de construction inscrite sur la façade sud de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg. Elle se situe au-dessus d’une fenêtre de la petite chambre du trésor, à l’extérieur du bas-côté sud. Fait amusant, la date en chiffres arabes (1488) est reprise en chiffres romains juste à côté : MCCCCLXXXVIII. Les puristes remarqueront que les centaines sont notées ici CCCC et non pas CD, comme on l’attendrait en bon latin d’école.