LES SPINTRIAE
L'ARGENT, L'ODEUR ET LA PUDEUR
À son fils, Titus, qui lui reprochait d'avoir remis en vigueur une taxe sur l'urine (le vectigal urinae), l'empereur Vespasien aurait répondu que l'argent n'a pas d'odeur (en VO, pour la frime, pecunia non olet).
Une taxe sur l'urine ? Ils sont fous, ces Romains !
En fait, pas du tout.
L'urine contenant de l'ammoniac, les foulons romains l'utilisaient (fermentée ou mêlée à de l'argile) pour dégraisser et blanchir certaines étoffes.
Chacun pourra imaginer l'équivalent romain des pubs pour nos modernes lessives... bref. Reprenons.
Les besoins étant énormes en la matière, les foulons avaient le droit - moyennant finance évidemment, c'est là notre fameuse taxe - de disposer des amphores dans l'espace public afin de recueillir le précieux liquide.
Voilà pour l'odeur.
Et la pudeur alors ?
Et bien, le beau jeton que vous pouvez voir ci-dessous (je ne me lasse pas, c'est tellement chic ci-dessous, presque aussi beau qu'infra) est une spintria.
Les spintriae s'utilisaient dans les bourdeaux, le beau pluriel médiéval que voilà, en lieu et place des monnaies officielles frappées du buste de l'empereur.
Que l'effigie du prince pénétrât en ces lieux où le plaisir se monnayait, voilà qui était choquant. Au moins aux yeux de Tibère - ce grand hypocrite Suétone dixit - qui décida ipso facto d'interdire la chose.
D'où les spintriae.
Fabriquées généralement en bronze, ces tessères ont été utilisées au premier siècle de notre ère. Elles portent à l'avers une scène érotique (voire franchement pornographique) et au revers un chiffre.
Les spécialistes s'interrogent sur la signification de ce dernier : indiquait-il le numéro d'une chambre ou bien la nature ou la durée d'une prestation ? La question n'a pas été tranchée...
Spintria en cuivre. Ier siècle ap. J.-C. Le revers porte le chiffre XV. British Museum.