Gaulois Ancêtres - Chroniques - La bibliothèque de Storia Mundi

DEPUIS QUAND LES GAULOIS SONT-ILS NOS ANCÊTRES ?

Nous vous parlions, il y a quelques temps, de l’invention de la Gaule par l’envahisseur romain au milieu du Ier siècle av. J.-C. Nous avions également évoqué le courage légendaire des habitants de la Gaule Belgique avec la figure d’Ambiorix, devenu symbole national outre-Ardennes. Nous reprenions alors une vieille maxime, encore ancrée dans les mémoires : « Nos ancêtres les Gaulois... »

Certes, les tribus gauloises peuplaient, à une époque lointaine, le territoire qui correspond aujourd’hui à l’Hexagone. Mais pas seulement : ces Celtes habitaient également de nombreuses autres régions correspondant à tout ou partie du territoire d’autres nations modernes comme la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, le Sud-Ouest de l’Allemagne, la Suisse ou l’Italie du Nord.

Quoi ? La France n’aurait donc pas le monopole de l’ascendance gauloise !? Alors comment expliquer ce mythe tenace, alimenté par le culte de grandes figures, comme Vercingétorix, élevé en héros de la Nation avant l’heure ?

Pour le savoir, il faut tourner notre question autrement et se demander non pas si les Gaulois SONT les ancêtres des Français, mais DEPUIS QUAND ils le sont.

Louis XIV, autre grande figure du roman national français, pensait-il par exemple qu’il était un fier descendant de Vercingétorix et de ses compagnons ? Certainement pas. Sous l’Ancien Régime, la noblesse, et particulièrement la royauté, rattache son ascendance à un autre peuple : les Francs (des Germains donc…). Le roi de France, monarque par la grâce de Dieu, descend de Clovis, fondateur de la dynastie des Mérovingiens – qu’importe, d’ailleurs, si la continuité dynastique a été rompue plusieurs fois entre les Mérovingiens et les Bourbons.

Les aristocrates font, eux aussi, remonter leur arbre généalogique jusqu’aux temps immémoriaux du haut Moyen Âge. Ils se considèrent comme les successeurs des guerriers de Clovis, ce qui justifierait leur domination sur des terres qui leur appartiendraient de droit, car jadis conquises par le glaive.

Voilà donc pour les ancêtres des Français sous l’Ancien Régime. Mais avec le développement de la bourgeoisie au XVIIIème siècle et surtout avec la Révolution française, un nouvel acteur intervient dans le paysage politique et mémoriel français : le peuple.

Lui aussi va partir à la recherche de ses aïeux. La noblesse se targue d’avoir pour ancêtres les Francs, des barbares qui envahirent la Gaule romaine ? Eh bien nous voilà des précurseurs tout trouvés : ceux-là mêmes qui peuplaient ces terres avant leur arrivée, les Gaulois !

L’invention de cette origine n’est pas anodine. Elle permit au nationalisme, nouveauté idéologique du XIXème siècle, de construire une généalogie et une identité communes, nécessaires au sentiment d’appartenance nationale et au patriotisme naissant.

De plus, la figure du Gaulois était commode. Elle plaisait à la droite nationaliste qui y voyait la confirmation de l’existence d’une « race française » depuis tout temps. Elle arrangeait également la gauche anticléricale, puisqu’elle permettait de faire commencer le grand roman national bien avant l’arrivée du christianisme.

Pour conclure, et pour répondre à notre question initiale, cela fait donc deux siècles que les Gaulois sont considérés comme les ancêtres des Français. L’exemple nous montre que rien n’est moins évident qu’une vérité historique assénée et intériorisée collectivement. En somme, s’interroger sur ces grands mythes communs permet d’en apprendre d'avantage sur l’époque qui les a forgés que sur leur contenu. Car la figure du Gaulois telle que nous la concevons aujourd’hui en dit finalement plus sur la représentation que les Français du XIXème siècle avaient d’eux-mêmes (et par conséquent de leurs ancêtres) que sur la réalité historique de ces peuples complexes.

Ci-dessus : des guerriers gaulois tels qu'on les imaginait à la fin du XIXème siècle. Illustration tirée du Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, 1898.