Wergeld - Chroniques - La bibliothèque de Storia Mundi

Le Wergeld : le prix du sang (et de la paix)

Vous êtes-vous déjà demandé ce que valait la vie d'un homme ?

A cette question, les anciens Germains avaient une réponse très claire. Et parfaitement chiffrée. Chez les Francs par exemple, la vie d'un homme (libre) valait 200 sous d'or. Si l'agresseur acceptait de payer cette somme à la famille lésée, cette dernière sauvegardait son honneur, ce qui brisait ipso facto le cycle des terribles et interminables vendettas - faida dans la langue des anciens Germains - qui s'enclenchait dans le cas contraire.

Dans l'Antiquité, avant comme après les grandes invasions-migrations du reste, les Germains avaient escogité un code destiné à assurer autant que faire se peut la concorde civile. Un but identique à celui que poursuivait le droit romain dans le fond. Mais selon des modalités un poil différentes comme vous allez voir.

Remarquons à propos de concorde civile - et c'est un fait anthropologique majeur - que nulle part on ne trouve des sauvages sans foi ni loi. Bien au contraire. Partout et tout le temps, l'homme s'est gratté la tête pour trouver un moyen d'éviter que ne s'exprime notre talent, malheureusement inné, pour la guerre et la destruction.

Evidemment, partout et tout le temps, ces louables efforts ont été contrariés par l'incoercible vitalité du susdit talent.

Quoi qu'il en soit de ces tristes constations, le code des anciens Germains - qui détaillait très précisément les compensations à verser à la victime (ou à sa famille) en fonction des torts subis - avait un nom : le Wergeld. Ou Weregild. Ou encore Wiedergeld, Manngeld, Friedegeld...

Quel qu'en soit le nom, ce code se présentait comme un macabre inventaire à la Prévert, une longue liste de préjudices tarifés. Chez les Francs toujours, couper une main ou crever un oeil à un homme libre coûtait 100 sous. Couper un doigt ? 30 sous. Deux doigts ? 35 sous, autant que le seul index, très utile pour bander la corde d'un arc... trois doigts ? 50 sous...

Le Wergeld exprimait en outre - avec la brutale concision d'une liste de shopping - l'inégalité fondamentale d'une société statutaire.

Le Wergeld précisait ainsi que, chez les Wisigoths, la vie d'un homme dans la force de l'âge valait le double de celle d'un ado. Quant aux femmes, elles ne valaient évidemment que la moitié d'un homme... donc le prix d'un ado.

Evidemment ?

Pas vraiment en fait, car les Francs étaient plus égalitaires : chez eux, homme et femme étaient affichés au même tarif.

Cela dit, un Romain ne valait que la moitié d'un Franc. On repassera pour l'égalité finalement.

Ci-dessus : le paiement du Wergeld selon un manuscrit allemand du XIVème siècle, source : Heidelberger historische Bestände.