miracle suisse - Chroniques - La bibliothèque de Storia Mundi (2)

Le miracle économique suisse

On l'ignore souvent mais - confinée dans son réduit alpestre - la Suisse a longtemps été un pays pauvre. Très pauvre même. Au point que les Suisses quittaient leurs cantons pour aller chercher ailleurs une vie meilleure.

Un exemple permettra de prendre la mesure du phénomène. A la fin du Moyen-âge et jusqu'au début de l'époque contemporaine, les Suisses fournissent à nombre d'armées européennes des contingents de mercenaires aussi féroces que disciplinés. La garde suisse des derniers rois de France comme celle du Pape aujourd'hui en sont les derniers avatars. Evidemment, on ne va pas se faire trouer la peau pour des étrangers pour le simple goût du risque : le mercenariat - tout comme comme le banditisme du reste, il faut relire Hobsbawm* sur ce point - est toujours le signe de désordres sociaux et de misère.

Remarquons dans le même ordre d'idée qu'il y avait tant de personnel domestique suisse dans la France de Zola et de Maupassant que le mot était devenu un nom commun désignant un concierge, le portier d'un hôtel particulier ou d'une grande maison. "Un suisse rouge et doré fit grogner sur ses gonds la porte de l'hôtel" écrivit ainsi Balzac dans le père Goriot. Il est vrai que cette étymologie reste discutée ; certains préfèrent l'expliquer par la réputation de fiabilité des mercenaires suisses, une qualité éminemment nécessaire à un concierge prétendent-ils.

Quoi qu'il en soit, le boom de l'économie suisse ne débute qu'au lendemain de la seconde guerre mondiale et ce n'est qu'au début des années 70 du siècle dernier que le PIB/hab. de la Suisse dépasse celui de la France. Etonnant, non, quand on compare la situation de ces deux pays aujourd'hui ? Une preuve de plus que le destin d'un pays peu changer du tout au tout le temps d'une vie d'homme.

*Lire par exemple : Eric Hobsbawm, Les bandits.

Ci-dessous : la garde suisse du Pape aujourd'hui. Contrairement à ce que l'on avance souvent, l'uniforme des gardes suisses date en fait de... 1914, année où Jules Repond, son commandant, l'a dessiné en s'inspirant des fresques de Raphaël. Photo : Abaddon1337.