L'art russe, de l’héritage antique et byzantin a la révolution culture

L'art russe, de l’héritage antique et byzantin a la révolution culturelle de pierre le grand 

La conversion en 988 du grand prince de Kiev, Vladimir, au christianisme byzantin n’est pas un évènement simplement politico-religieux, c’est l’adoption en bloc de la part du monde slave oriental d’une culture chrétienne presque millénaire. Du jour au lendemain, en plus d’un clergé, Byzance devra envoyer vers la Russie de Kiev des architectes, des mosaïstes, des peintres, des lettrés copistes qui devront former sur place des homologues slaves afin d’équiper les nouveau convertis en église, mobilier liturgique, et autres icônes ou bibles. L’icône possède déjà à ce moment-là une longue histoire qui plonge ses racines dans les cultures antiques et dans laquelle se mêlent emprunts iconographiques, âpres débats théologiques et pieuses légendes. On peut en dire autant d’ailleurs de l’architecture religieuse. Or, c’est tout ce lourd héritage que le monde de la Russie kiévienne reçoit en l’espace de quelques générations à peine.
La prise de Constantinople en 1204 par les armées de la quatrième croisade, suivit de la destruction de Kiev lors des invasion mongols des années 1237-1240, donne un coup de frein brutal, et pour près d’un siècle, aux relations entre le monde slave et le monde byzantin. Sous « le joug tatar » émerge progressivement une nouvelle Russie dont le centre de gravité s’est éloigné des berges du Don pour remonter vers le nord. Vladimir, Souzdal, Novgorod, Pskov, Tver, Moscou émergent progressivement comme de nouveaux centres économiques, politiques, religieux et culturels. Des écoles de peintures s’y développent et s’émancipent progressivement du modèle byzantin.
Le XIVe siècle voit Moscou prendre l’ascendant sur ses rivales. Cette montée en puissance aboutira à la fin du joug tatar (1480) et au rassemblement au XVIe siècle des « terres russes » sous la houlette de la puissante dynastie des princes moscovites. Dans le même temps, le chute de Constantinople aux mains des ottomans (1453) fait passer le dernier patriarcat orthodoxe indépendant sous l’autorité d’une puissance musulmane. Moscou peut alors se revendiquer seule héritière de Byzance et troisième Rome. La période entre la fin du XIVe siècle et le début du XVIe siècle voit l’apogée de la peinture d’icône à Moscou avec des peintres comme Théophane le Grec, Andrei Roublev ou un peu plus tard, Dionysi.
Mais l’art de l’icône connait dès le XVIème siècle une décadence inexorable. Ecartelés entre conservatisme religieux et esthétique et influences de la peinture occidentale, les peintres n’ont d’autres choix que se répéter en renonçant à toute créativité ou emprunter à l’occident ses inventions visuelles en s’éloignant de l’esprit de l’icône. Les derniers grands peintres, rassemblés dans ce qu’on a appelé « l’école des Stroganov » feront encore briller une dernière fois jusqu’au cœur du XVIIe siècle cet art religieux. La fondation, en 1703, de Saint-Pétersbourg et l’occidentalisation à marche forcée de la société russe voulue par Pierre le Grand entraineront toute la Russie dans une nouvelle révolution culturelle et esthétique.


Les dates à retenir :

Vers 1050 : à Novgorod, la période d’édification de la Cathédrale Sainte-Sophie correspond à l’apparition des premières icônes. 

XIème siècle : les incursions Tatares provoquent la rupture des contacts avec Byzance et l’émergence d’une tradition locale de la peinture d’icônes.

1370 : Arrivée à Novgorod du peintre d'icônes Théophane le Grec, considéré comme le fondateur de l'école de Novgorod.

Milieu du XIVème siècle : la Russie renoue les contacts avec Byzance.

1408 : Andreï Roublev peint avec son assistant Daniil Tcherny les fresques et l'iconostase de la cathédrale de la Dormition à Vladimir.

Entre 1410 et 1427 : Andreï Roublev peint l'Icône de la Trinité.

1703 : fondation de Saint-Pétersbourg par Pierre Ier.

1757 : ouverture à Saint-Pétersbourg de l’Académie impériale des beaux-arts. Elle doit permettre au pays de réaliser ses propres œuvres artistiques, importées jusqu'alors à grands frais de l'étranger, tout en formant une nouvelle catégorie d'hommes cultivés capable d'évoluer dans les différents cercles de la société russe.

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Votre conférencier

Diplômé de l’Ecole Nationale des Beaux-Arts, mais également en Archéologie, en Ingénierie culturelle et en Langues au Westminster College de Londres, Patrice Mauriès accompagne des voyages culturels depuis plus de 20 ans. Il sait transmettre avec passion ses connaissances, ainsi que son intérêt pour l’architecture contemporaine et la photographie.

À lire pour aller plus loin :

Mikhail Allenov, Nina Dmitrieva & Olga Medvedkova, L'Art russe, Citadelles et Mazenod, Paris, 1991.

Emmanuel Ducamp, Oleg Neverov et Mikhaïl Piotrovsky, Grandes collections de la Russie impériale, Flammarion, Paris, 2004.

Collectif, Icônes russes : les saints. Catalogue d'exposition, galerie Trétiakov, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, 2001.

Alexei Kometch, Monastères russes, Citadelles et Mazenod, Paris, 2001.

Jannic Durand, Dorota Giovannoni, Ionna RAPTI : Sainte Russie – l’art russe des origines à Pierre le Grand, Louvre Editions, Paris, 2010