Carthage contre Rome

CARTHAGE CONTRE ROME :

UNITE ET DIVERSITE DES MODELES SOCIOPOLITIQUES ET GEOSTRATEGIQUES 

Les guerres romano-puniques apparaissent aujourd'hui comme l'aboutissement logique d'une assez longue période qui vit s'affirmer la prééminence des deux grandes puissances occidentales. Conditionnée par des traités renouvelés périodiquement, depuis au moins la fin du VIe s. av. JC, la coexistence qui prévalait jusqu'alors entre Carthage et l'Urbs n'allait pas résister au glissement des conquêtes romaines vers le sud de l'Italie au IIIe s. et à l'enjeu sicilien.

Deux hégémonies donc, - ouvertes au monde grec, aussi bien pour des raisons culturelles et intellectuelles que stratégiques - portées toutes deux par un système oligarchique, avec parfois d'étroits liens d'hospitalité entre ses membres, mais qu'opposent des conceptions mentales, politiques et militaires divergentes. A l’établissement phénicien de type « comptoir » - qui avait néanmoins besoin du concours agricole et commercial de l’hinterland - répondait une hégémonie romaine plus agressive, plus directe qui ne sera pas sans conséquence sur la scène politique carthaginoise. Mais c'est surtout le rapport à la citoyenneté qui s'avérera, au final, décisif, les politiques d'intégration pratiquées sur des populations assujetties diverses et variées contribuant, au terme du conflit, à faire basculer la balance.

De cette rencontre au sommet entre deux mondes - punique et latin - que presque tout oppose, mais que relie l'expérience grecque, va émerger une perspective nouvelle que la tentative de "révolution" barcide n'aura pas l'occasion de faire aboutir mais que Rome accomplira avec la destinée que l'on sait, avant même la destruction finale de son implacable ennemi.

Le monde méditerranéen eut-il été différent si Carthage l'avait emporté ?

Les dates à retenir :

(les dates sont avant J-C., sauf mention expresse)

- Hannon Sabellus (1e moitié du Ve s.) : un des grands artisans de la politique africaine de Carthage. Conquêtes des régions de Muxsi et de Zeugei.

-338 : Rome écrase définitivement les Latins : Elle accorde le droit de cité à une partie non négligeable d'entre eux.

- Hannon le Grand : conquêtes africaines au dépens des territoires numides entre 360 et 350.

- 338-272 : Rome prend le contrôle du reste de l'Italie.

- 241-237 : Insurrection des campagnes africaines, en soutien à la révolte des mercenaires.

- 210 : le chef libyphénicien Muttinès passe dans le camp romain, livrant définitivement la Sicile aux Romains : la seconde guerre punique commence à basculer.


Définitions :

- La Fides : La Fides, la foi jurée, désigne étymologiquement le fait d'avoir confiance en quelque chose ou quelqu'un. C'est un concept latin abstrait qui devait concrètement se traduire, sur le terrain, par un comportement honnête et loyal. Cette notion des rapports gentilices en milieu latin constituait le fondement essentiel de toute activité, de toute règle, notamment dans le domaine guerrier.

Dans la mythologie romaine, Fides ou Fidélité était la personnification divine de la bonne foi et de l'honneur.

- Le ius gentium : concept qui, basé sur celui de la fides, régissait les rapports entre aristocrates, donc entre cités.

Mens : Déesse personnifiée de l'intelligence, de la raison, dont le culte, instituée à Rome sous la dictature de Fabius Maximus (217), permit à la stratégie romaine de légitimer, sur le terrain militaire, le recours à la ruse.

- Libyphénicien : Ce terme traduit une culture métissée et structurée par une alliance étroite avec Carthage. On a tendance à situer le territoire des Libyphéniciens autour de la Byzacène (en gros l'actuelle Sahel tunisien). On considère généralement que cette population occupait un statut juridique intermédiaire dans l'Etat carthaginois.




Votre conférencier

Khaled Melliti est chercheur associé, Laboratoire Mondes Sémitiques, UMR 8167, Orient et Méditerranée.             


À lire pour aller plus loin :


Khaled Melliti, Carthage. Histoire d’une métropole méditerranéenne, Ed. Perrin, Paris, 2016

Hédi Dridi, Carthage et le monde punique, Ed. Les Belles Lettres, Paris, 2006

Mhamed Fantar, Carthage. Approche d’une civilisation, 2 volumes, Ed. de la Méditerranée, Tunis, 1993

Serge Lancel, Carthage, Fayard, Paris, 1992.

L.-I. Manfredi, 2003, La politica amministrativa di Cartagine in Africa (= Memorie dell'Academia dei Lincei, serie IX, Vol. XVI, fascicolo 3), Roma, 2003, 532 p.

L. Loreto, 1995 La grande insurrezione libica contro cartagine del 241-237 a. C. Una storia politica e militare (= CEFR, 211), Rome, EFR.

François Hinard, (Dir.), Histoire romaine. Tome 1, Des origines à Auguste.


Ouvrages et articles de Khaled Melliti :

(Les titres des articles sont mentionnés entre guillemets).

Rome et Carthage : 509-29 av. JC, Atlande (ouvrage collectif à paraitre, janvier 2021)

"Une inscription inédite de Carthage", Sémitica et Classica, X, 2018

" Les Barcides et l'Afrique", in M. Makdoun et A. Ouahidi (éds), Actes du Colloque sur le patrimoine du Maghreb antique : des origines à la fin des royaumes africains (Colloque de Fès, 7-9 mai 2015), Fac. des Lettres, Fès, 2018.

" Milqart à Carthage et la politique barcide", Sémitica et Classica, VII, 2014.

"Religion et hellénisme à Carthage : la politique aristocratique à l'épreuve", Pallas, 70, 2006.