Madame de Pompadour: être à la mode est-ce une faute de goût ?

Madame de Pompadour:

être à la mode est-ce une faute de goût ?

Qui peut de nos jours se targuer de connaître la physionomie et l’esprit de Madame de Pompadour ? Dans la mémoire collective apparaissent confusément des poupées, une pâtisserie, des abats-jours, la semi-obscurité des alcôves des Petits Appartements du château de Versailles, une couleur... La seule teinte qui porte le nom d’une marquise que l’on croit volontiers légère. Entre le vert Véronèse, le bleu Nattier, le gris Trianon, flotte le rose Pompadour.

Cette iconographie enrubannée de grivoiseries a été forgée par les historiens, les esthètes, les critiques, le public. Ensemble, ils n'ont pu soustraire de leur jugement le titre peu glorieux que les pamphlets rédigés au sujet de Madame de Pompadour, promptement relayés jusqu’au sein de la famille royale, lui attribuent: « la putain du Roi ».

Une étude dénuée du romanesque, qui sied pourtant à une époque charnière de l’Histoire sur le plan artistique et politique, apporte un éclairage plus complexe au sujet du parcours de cette jeune femme issue de la bourgeoisie. Qu’elle est-elle ? Cheval de Troie de la haute finance désireuse de pénétrer l’élite de l’aristocratie ? Figure de proue des artistes novateurs en quête de reconnaissance officielle ? Ambassadrice des salons parisiens tentant de percer la coquille versaillaise bridée par l’étiquette et le népotisme pour offrir enfin ce titre de Siècle des Lumières à leur quotidien ? Jeanne-Antoinette Poisson, marquise de Pompadour, servira sans nulle doute les intérêts des siens, mais elle saura aussi résister à la disgrâce que la Cour lui souhaite en métamorphosant son statut de conquête royale en celui de ministre-confidente.

De toutes les images conservées de la marquise, des jeunes années à celle de sa mort - dues aussi bien à Boucher, Nattier, Drouais ou Pierre - son portrait en pied commandé en 1748 au pastelliste le plus brillant de son temps, Maurice-Quentin Delatour, plus flatteur que son rival Jean-Étienne Liotard, dit le peintre turc, fait figure d’exception. C’est l’acte fondateur d’un nouvel ordre qui désire transformer une figure séduisante et éphémère en un inaltérable profil de médaille !

Les dates à retenir :

1648 - Fronde parlementaire contre le Conseil du roi pendant la régence d'Anne d'Autriche.

1720 - Antoine Watteau peint L’Enseigne de Gersaint, Jeanne-Antoinette Poisson nait l’année suivante.

1739 - Diffusion du plan de la ville de Paris commandé par Michel-Etienne Turgot.

1745 - Mme d’Etiolles, future marquise de Pompadour, est présentée à la Cour.

1748 - Fouilles archéologiques systématiques sur le site de Pompéi et création l’année suivante de la tragédie lyrique Zoroastre de Jean-Philippe Rameau.

1751 - Publication de l’édit portant la création de l’Ecole militaire à Paris.

1755 - Le portrait de Madame de Pompadour par Maurice-Quentin Delatour est exposé au Salon.

1756 - Transfert de la manufacture de porcelaine de Vincennes à Sèvres.

1764 - Mort de la marquise de Pompadour et achèvement du petit château de Trianon.

1789 - Le 5 octobre les femmes de Paris marchent sur Versailles.

Votre conférencier

Stéphane Dubois-dit-Bonclaude est historien de l’art, dessinateur et auteur de plusieurs ouvrages sur les arts appliqués. Il a conduit sa carrière professionnelle à Genève plus sensiblement auprès du Service cantonal de la culture.


À lire pour aller plus loin :


Nancy Mitford, Madame de Pompadour, Editions Amiot Dumont, 1955

Jean Nicolle, Madame de Pompadour et la société de son temps, Éditions Albatros, 1980

Penelope Hunter-Stiebel, Louis XV and Madame de Pompadour. A love affair with style, Editions Rosenberg & Stiebel, 1990

Jean-François Méjanès, Maurice-Quentin Delatour: La marquise de Pompadour, Collection solo (19), RMN, 2002

Jean Starobinski, Diderot dans l’espace des peintres, Collection Textes, RMN, 1991

Sous la direction de Xavier Salmon, De soie et de poudre, Actes Sud, 2004

La fascination de l’Antique, 1700-1770, Rome découverte, Rome inventée, Musée de la civilisation Gallo Romaine, Lyon - Éditions d’art Somogy, 1998