Le roi Karl en Louboutin- Chroniques de Storia Mundi

Le roi Karl en Louboutin

Cet élégant soulier en cuir noir et rouge date de la fin du XVIIème siècle. Plus précisément, il a été fabriqué dans les années 80 du XVIIème siècle pour le roi de Suède Karl le Onzième lequel ne vécut pas moins de quarante deux années (1655-1697).

Rappelons à ce propos qu’alors (à la fin du XVIIème siècle toujours), l’espérance de vie ne dépassait guère une petite moitié, voire un gros tiers, ce qu’elle est aujourd’hui.
Ventre-saint-gris.
Ou bloody Hell si vous préférez la langue de Ted Bundy à celle de Gérard Jugnot.

Quoi qu’il en soit, en la matière, comme en bien d’autres domaines quand on y pense, ce n’était pas mieux avant. Bien au contraire.

Fermons cette brève et pathétique parenthèse démographique et revenons à nos moutons si vous le voulez bien.

Pour quelles raisons vous demanderez-vous in petto (à moins que vous ne lisiez ce billet à voix haute)… pour quelles raisons les royaux arpions du non moins royal scandinave se perchaient-ils donc sur ces proto stilettos à talons rouges, improbables ancêtres de nos modernes Louboutin ?

C’est tout simple en vérité : Louis XIV, le Roi-Soleil, le monarque que l’Europe entière nous enviait alors comme elle envie aujourd’hui l’excellence de notre modèle social, en avait lancé la mode.

En deux temps cela dit. Il ne faudrait quand même pas croire que les grandes idées sortent toutes faites de la géniale tête qui les a escogitées. C’est bien plus complexe que ça.

D’abord vinrent les talonnettes (sans couleurs distinctives) parce qu’un grand chef de petite taille, ça dépare sur les portraits comme sur les photos officielles. Et plus encore dans la vie de tous les jours.

Ensuite les talons rouges, une mode surprenante qu’aurait lancé l’extravagant Monsieur, le frère du susdit Louis, après avoir pataugé une nuit durant dans la boue gorgée de sang du quartier interlope de la grande boucherie, sis près du Grand Châtelet, où il avait festoyé.

La suite n’est que servilité et grégarité, deux puissants ressorts de nos comportements collectifs qui expliquent que les courtisans s’empressèrent d’imiter le roi ayant lui-même imité son frère avant que l’Europe n’imite Versailles.

Une preuve de plus que l’on n’a pas attendu LVMH pour que le chic français s’exporte aux quatre coins du monde.