Le petit-père dépeuple et autres réjouissantes fadaises
Ci-dessus : ces pièces d'orfèvrerie uniques (pouf-pouf) datent du IVème siècle de notre ère. Elles étaient destinées à orner ce que ces fiers cavaliers qu’étaient les Huns avaient de plus précieux : leurs montures. Elles sont aujourd'hui conservées au Walters Art Museum à Baltimore.
Tous comme nos mémoires personnelles et individuelles, la mémoire historique nous joue parfois des tours.
Prenez le cas d’Attila par exemple.
L’image d’Epinal que ce nom évoque aussitôt nous rappelle les heures les plus sombres de l’Empire romain, quand le fléau de Dieu parcourait les Gaules perché sur un petit cheval nerveux dont les sabots possédaient un mystérieux pouvoir désherbant. Genre Roundup.
A la tête de hordes sauvages et néanmoins asiatiques composées de guerriers grimaçant d’une rage iconoclaste, Attila aurait fait plus pour la décroissance que l’inepte politique industrielle de la Vème tout en luttant avec une redoutable et meurtrière efficacité contre la surpopulation qui affectait alors le camp du Bien comme une morbide épidémie d’obésité.
Ventre-saint-gros ! Saint-gris pardon.
S’il est indéniable que l’Empire des Huns - si l’on peut qualifier d’empire cette construction bancale qui ne survécut point à son promoteur - eut quelques désaccords avec celui des Romains, l’image que l’on se fait du chef des Huns est évidemment et trompeuse et réductrice.
En voudrait-on un exemple qu’il suffirait de s'interroger sur le nom même par lequel l’affreux dirigeant de l’axe du Mal nous est connu.
A vrai dire Attila n’est pas même un nom. Dans la langue des Goths en effet - un peuple que les Huns avaient partiellement assujéti, comme tant d’autres - Attila ne signifie rien d’autre que Petit-père, de la racine 𐌰𐍄𐍄𐌰 (atta), père, et du suffixe diminutif -𐌻𐌰 (-la), petit.
Point de sang ni de souffre donc dans cet affectueux sobriquet qui devait être prononcé avec une déférence non dénuée d’un réel attachement.
Ajoutons pour finir qu’Attila régnait sur une confédération complexe de tribus dans lesquelles les nomades des steppes étaient loin d’être les plus nombreux. Il eut même à son service un certain nombre d’authentiques Romains dont un, au moins, parvint à conquérir la pourpre impériale : Flavius Oreste.
Une preuve de plus que l'Histoire s'écrit à la croisée des regards et des mémoires.