L'édit du maximum : le politique contre l'économie au bas empire

L'édit du maximum :

Le politique contre l'économie au temps de Dioclétien

Entre le 20 novembre et le 9 décembre 301 après Jésus-Christ, l'administration impériale émit un édit connu aujourd'hui sous le nom d'édit du Maximum, en latin Edictum de pretiis rerum venalium. Quel en était l'objectif ?

Là-dessus, le préambule de cet édit était très clair : les Tétrarques - les quatre empereurs qui se partageaient alors le pouvoir sous la conduite du premier d'entre eux, Dioclétien - prétendaient ni plus ni moins que d'interdire... l'inflation ! Celle-ci était alors très forte. Elle fragilisait l'économie romaine et laminait les revenus des fonctionnaires et des soldats de l'Empire.

Ce texte - qu'il faut citer - affirme le rôle central de l'État, seul rempart protégeant le peuple de l'avidité contre-nature des hommes d'argent :

« Justement et légitimement indignés par [l'inflation], nous avons décidé, comme semble nous supplier de le faire le genre humain tout entier, de fixer non pas le prix des marchandises - car cela pourrait paraître injuste du fait qu'un très grand nombre de provinces se prévalent parfois du bonheur de connaître les bas prix qu'elles ont souhaités et qui sont une sorte de privilège de la prospérité - mais un maximum, afin que, si quelque poussée des prix se manifeste (ce qu'à la Divinité ne plaise), la cupidité qui, comme des champs étendus à l'infini, ne pouvait être contenue soit réfrénée par les limites de notre décret ou par les bornes d'une loi modératrice. »

On ne peut être plus clair : l'Etat se dresse contre la cupidité des accapareurs - en d'autres temps et d'autres lieux, on aurait dit koulaks, ploutocrates ou capitalistes - et les contrevenants s'exposent à la peine de mort.

Dès lors plusieurs questions se posent :

Comment expliquer la crise économique que connaissait alors l'Empire romain ?

Quel furent les résultats du volontarisme énergique avec lequel les Tétrarques voulurent y répondre ?

L'Empereur parvint-il à briser l'inflation ?

En d'autres termes : le politique parvint-il à dompter l'économie ?


Les dates à retenir :


IIIe siècle : les crises militaires et politiques se multiplient. La monnaie romaine est fortement dévaluée.

284 : Avènement de Dioclétien qui s'adjoint rapidement comme collègue l'un de ses généraux, Maximien, afin de lutter contre les usurpations qui entraînent des guerres civiles endémiques.

293 : Mise en place de la tétrarchie : Dioclétien partage ses pouvoirs avec trois princes : Maximien, Galère et Constance Chlore.

294 - 295 : Réforme monétaire de la Tétrarchie.

297 : Les Tétrarques luttent sur de nombreux fronts : sur le Danube, en Orient et en Afrique. Début probable de la réforme du système fiscal et de la réorganisation des provinces.

305 : Abdication volontaire de Dioclétien et de Maximien le 1er mai. Galère et Constance Ier Chlore les remplacent et s'associent deux nouveaux césars, Maximin Daia et Sévère. Début de la seconde tétrarchie.

306 Constance Chlore meurt à York. Son fils, Constantin, est proclamé empereur par ses troupes, sans l'accord des autres membres du collège impérial. Les guerres civiles reprennent.

ca 311 : Réforme monétaire de Constantin et création du solidus.


Jeudi 19 novembre à 10h

Votre conférencier

Laurent Lanfranchi est historien et directeur de Storia Mundi.

À lire pour aller plus loin :


Claire Sotinel, Rome, la fin d'un Empire : De Caracalla à Théodoric, Belin, 2019.

Jean Andreau, L'économie du monde romain, Ellipses, 2010.

Georges Depeyrot, Le Bas Empire romain. Economie et numismatique 284 - 491, Errance, 1991.

Aldo Schiavone, L'histoire brisée. : La Rome antique et l'Occident moderne, Belin, 2003.