Vestiges et illusions : l’archéologie du futur selon Thucydide
Ci-dessous : ces deux photos vous montrent les acropoles de Sparte, en haut, et d’Athènes, en bas. Difficile de donner tort à Thucydide…
Photo : Sparte Ronny Siegel – Athènes moofushi.
« Si la ville de Sparte était détruite et que l’on ne gardait d’elle que les temples et les fondations des bâtiments, le monde, en la voyant, croirait qu’elle n’a jamais été aussi puissante qu’elle l’a été en réalité. Tandis que si la ville d’Athènes subissait le même sort, les ruines visibles donneraient, à ceux qui les observeraient, l’idée d’une puissance plus grande qu’elle ne l’a réellement été. »
(Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 10)
Dans ce célèbre passage du livre I de l’Histoire de la guerre du Péloponnèse, Thucydide s’autorise un détour méthodologique en forme de fiction : il imagine ce que penseront les hommes du futur en observant les vestiges comparés de Sparte et d’Athènes.
Et il conclut que les monuments peuvent nous induire en erreur. Leurs vestiges en tous cas.
Thucydide nous met ainsi en garde : le visible n’est pas toujours l’indice du vrai. En d’autres termes, il faut se méfier des évidences. Et croiser les sources.
C’est peut-être la première leçon de critique historique jamais formulée avec autant de netteté : l’historien ne peut se contenter d’une source unique pour penser le passé lequel, dans son infinie complexité, n’est jamais qu’un horizon inaccessible dont seuls les contours nous sont visibles.