La cenatio rotunda : quand Néron tourne rond
Imagine, Lectrice ou teur, que tu es invitée à dîner par l’empereur Néron (37-68*).
Si tu as fait bonne figure en rejoignant celui qui naquit sous le nom de Lucius Domitius Ahenobarbus sans glisser sur le marbre rutilant du vestibule de la Domus Aurea, la Maison dorée, te voilà toute ébaubie, béant du bec, quand un chambellan cérémonieux t’introduit avec un snobisme tout victorien dans la cenatio rotunda, a round dining room comme on dirait dans le français chic d’aujourd’hui. Une dénomination qui nous rappelle que cette salle à manger ronde tourne sur elle-même comme ces modernes restos panoramiques qui souvent coiffent une tour au long col comme une assiette posée sur un vase.
Car elle tourne, la cenatio rotunda. Elle tourne comme les sphères célestes dans l’immensité du ciel. Elle tourne comme la grande mécanique du cosmos dont, manifestement, Néron entendait reproduire ici-bas le mouvement et la majesté tranquille.
Cette langue de vipère de Suétone, qui n’aimait guère le susnommé augustule, l’écrit on ne peut plus clairement : « La salle à manger principale était ronde et tournait, jour et nuit, à l’imitation du monde » ce qui donne dans la langue de Tullius Detritus « praecipua cenationum rotunda, quae perpetuo diebus ac noctibus uice mundi circumageretur ».
Rien de moins.
Pour reproduire le mouvement des sphères célestes, les ingénieux ingénieurs de Néron avaient imaginé un mécanisme actionné par la force de l’eau plutôt que par celle des esclaves, lequel mécanisme devait grincer, gémir et branler cependant qu’il imprimait au plancher de la rotonde salle qui nous occupe ici un mouvement giratoire continu.
Les lecteurs du venimeux plumitif qu’un rien étonne – Suétone – pensèrent longtemps que ce dernier affabulait jusqu’à ce qu’une équipe d’archéologues dirigée par la française Françoise Villedieu n’identifie, entre 2009 et 2014, sur les pentes du Palatin, les vestiges de notre cenatio rotunda. Les archéologues dégagèrent notamment le monumental pilier central de quatre mètres de diamètre qui supportaient le plancher de la salle à manger ainsi que des éléments du mécanisme alimenté par une dérivation de l’Aqua Claudia.
L’auteur ou trice de ces lignes – qui s’en va boire un café en supputant des choses qui ne vous regardent pas – vous invite cependant à consulter en ligne les nombreux articles et les non moins nombreuses vidéos consacrés à cette étonnante réalisation que l’on doit tant au génie constructeur des Romains qu’au goût du luxe, un peu bling-bling, de celui qui fut pour un temps le premier d’entre-eux.
Ci-dessous : proposition de restitution sous la direction de Françoise Villedieu avec la collaboration de Philippe Fleury, Sophie Madeleine, Charlie Morineau, Nicolas Lefèvre, Jérôme Nicolle, Nathalie André, Jonathan Boiné, Matthieu Gaba, Guillaume Leterrier. Pour en savoir plus, voir notamment : https://mnhn.hal.science/COLLECTION.../hal-04288952v1
*Ces chiffres sont des dates évidemment, pas un score ni des mensurations