La question raciale aux États-Unis

La question raciale aux États-Unis

Barack Obama « premier président noir ». Donald Trump non seulement président blanc, mais, selon certains, « premier président des Blancs ». Kamala Harris « première vice-présidente noire ». Brutalités policières et manifestations de Black Lives Matter. Cent cinquante-six ans après la fin de la guerre de Sécession et l’abolition de l’esclavage, la question raciale demeure prégnante aux États-Unis.

Depuis cette époque, pourtant, la mise au jour du génome humain a permis de démontrer qu’il n’existe pas de fondement biologique à la notion de « races » humaines. Les habitants noirs des îles Salomon, aux cheveux parfois blonds, sont ainsi génétiquement plus proches des Européens que des Africains noirs. La notion de « race » est donc avant tout une construction socio-politique. Dans cette conférence qui se situe dans le prolongement de celles d’octobre, consacrées à la violence et aux polices américaines, Didier Combeau explore les tenants et les aboutissants sociétaux de ce concept.

Partant de la règle de la « goutte de sang noir » (qui fait qu’une femme blanche peut accoucher d’un enfant noir mais qu’une femme noire ne peut en aucun cas donner naissance à un enfant blanc) pour arriver aux cases à cocher sur les formulaires de recensement, il explique comment est définie la race d’un individu, et comment sont établies les statistiques raciales.

Puis il montre comment ces données démographiques infusent toutes les dimensions économiques, sociales et politiques, pour déboucher sur la question qui est désormais au centre de tous les débats : alors que les Blancs voient leur proportion dans la population générale diminuer, l’Amérique peut-elle devenir « daltonienne », aveugle aux couleurs, ou bien est-elle condamnée à n’être qu’un assemblage de minorités raciales ?

Les dates à retenir :

Fin du XVIIe siècle : dans le Sud, création de patrouilles de planteurs pour contrôler les déplacements des esclaves et éviter les fuites.

1829 : création de la Metropolitan Police de Londres par Robert Peel (les fameux « Bobbies »), modèle des polices urbaines américaines.

1841-1857 : création de la police de Philadelphie, du NYPD à New York, puis des départements de police de Chicago, de la Nouvelle-Orléans, de Cincinnati, de Boston et de Baltimore.

1908 : création du Bureau of Investigation, futur FBI.

1963 : arrêt de la Cour Suprême Terry v. Ohio, qui autorise les fouilles au corps lors des contrôles de rue (« stop and frisk ») en cas de « suspicion raisonnable » des agents.

1982 : arrêt de la Cour suprême Harlow v. Fitzgerald, qui confère aux agents publics, et donc aux policiers, une « immunité qualifiée » devant la justice civile.

1985 et 1989 : arrêts de la Cour suprême Tennessee v. Garner et Graham v. Connor qui fixent les conditions « objectivement raisonnables » d’usage de la force par les agents.

1991-1992 : passage à tabac de Rodney King, acquittement des policiers et émeutes de Los Angeles.

2015-2016 : affaire Michael Brown et émeutes de Ferguson.

2020 : affaire George Floyd, émeutes, et émergence des revendications de réductions des crédits alloués aux forces de l’ordre.

Votre conférencier

Didier Combeau, agrégé et docteur en civilisation américaine, est essayiste et spécialiste des États-Unis. Ses recherches portent sur les questions de violence et plus généralement sur la politique intérieure. Il a notamment publié Des Américains et des armes à feu : démocratie et violence aux États-Unis (Éditions Belin) et Polices Américaines (Gallimard). Son dernier ouvrage, Être Américain aujourd’hui : les enjeux d’une élection présidentielle, est paru en juin 2020 aux éditions Gallimard.

À lire pour aller plus loin :

Michelle Alexander, La couleur de la justice : incarcération de masse et nouvelle ségrégation raciale aux États-Unis, Éditions Syllepse, 2017.

James Forman Jr., Locking up our Own : Crime and Punishment in Black America, Faber, Straus and Giroux, 2017.

Caroline Rolland-Diamond, Black America : une histoire des luttes pour l’égalité et la justice, Éditions La Découverte, 2016.

Franck Vindevolgel, L’Amérique des prisons : origines et bilan d’une incarcération de masse, Presses Universitaires du Septentrion, 2020.