Shiva, seigneur de la danse

Shiva, seigneur de la danse

D’une figure du temps destructeur à une icône de l’Inde spirituelle

Shiva est une divinité majeure de l’Hindouisme. Parmi ses représentations, ses statues de bronze ou laiton dansantes sont particulièrement répandues et appréciées, par leur beauté et leur caractère évocateur… Mais évocateur de quoi exactement ? Dans cette présentation, nous reviendrons sur les principales interprétations formulées par les historiens de l’art au sujet de cette statue. Nous verrons que notre lecture la plus commune vient d’un auteur du début du XXe siècle, qui a, en quelque sorte universalisé le message de cette image.

Mais avant de préciser cette interprétation, nous reviendrons sur les hypothèses plus récentes faites sur les origines et la signification de ces statues dans l’Inde médiévale, une signification qui a évolué dans le temps, même si ces représentations nous semblent similaires.

Nous nous concentrerons ensuite sur la réception européenne ou ‘occidentale’ de ces images, dans le cadre des débats des ‘orientalistes’, les spécialistes des langues et littératures de l’Orient. Shiva prend chez eux un aspect plutôt négatif, avant que Ananda K. Coomaraswamy (1877-1947), un auteur anglo-cingalais ne défende la profondeur esthétique et philosophique de La Danse de Shiva dans un essai éponyme paru en 1918. Son interprétation fait encore aujourd’hui couler beaucoup d’encre, car elle s’appuie sur des textes du sud de l’Inde, tout en leur donnant une dimension cosmique qui fait écho aux débats scientifiques du tout début du XXe siècle.

Nous replacerons l’auteur dans son contexte, avant de suivre la diffusion de l’image et sa réactualisation par d’autres auteurs, jusqu’à la ‘consécration’ du dieu devant l’un des ‘temples de la physique’ contemporaine, le CERN de Genève.

Les dates à retenir :

Xème siècle : bronzes Chola de Shiva « seigneur de la danse » (Naṭarāja) dans les temples.

XIIIème siècle : interprétation Shaiva Siddhanta

XIXème siècle : "découverte" européenne de Shiva, chez les orientalistes.

XIXème-XXème siècles : débats scientifiques, avant-gardes artistiques et Vitalisme.

1918 : nationalisme culturel indien, défense de "l’art oriental" et interprétation ‘cosmique’ d’A. K. Coomaraswamy.

XXème siècle : succès et diffusion de l’image.

1975 : la relecture quantique de F. Capra.

2004 : Shiva dansant au CERN de Genève.

Sculpture en bronze de Shiva-Natarâja du Xème siècle - Musée d'art du comté de Los Angeles - photographié par LACMA.

Raphaël Rousseleau est Professeur à l’université de Lausanne et chercheur associé au Centre d’Etude de l’Inde & Asie du Sud à Paris. Ethnologue s’intéressant à l’histoire, il termine actuellement un ouvrage collectif sur la réception européenne de la danse de Shiva (codirigé avec Tiziana Leucci), et un ouvrage personnel sur « l’art adivasi ou art tribal indien ».

À lire pour aller plus loin :

Raphaël Rousseleau, « Fragment de « théologie païenne. Le thème de la danse cosmique entre mysticisme physique, hindouisme, New Age et vitalisme nietzschéen », in Pierre Gisel et Jacques Ehrenfreund (sous la dir.), Mises en scène de l’humain. Sciences des religions, philosophie, théologie, Beauchesne (Pretentaine), 2014 : 135-151.