La formation d’une Allemagne unifiée est l’un des événements les plus importants de l’histoire de l’Europe du XIXe siècle. Ses conséquences ont été majeures sur les équilibres du continent et sur l’enchaînement de facteurs qui a conduit à la Grande Guerre. Comment la naissance de ce nouvel État a-t-elle été vue par les autres puissances, en 1870-1871, et quelles ont été les dynamiques qui ont porté la construction de cet État-Nation, autour de la Prusse des Hohenzollern ? Pour aborder la question, il est d’abord nécessaire de revenir sur l’époque napoléonienne, où pour une première fois, la carte de l’ancien Saint-Empire romain germanique a été revue, et les aspirations de la nation allemande à être reconnue politiquement se sont exprimées. Puis, il faut évoquer une autre étape fondamentale, celle des révolutions de 1848, dans laquelle sont posés clairement les termes du problème de la création d’une Allemagne unie : quel rôle pour le suffrage universel, c’est-à-dire pour la souveraineté populaire, et quel rôle pour les maisons princières ? quelles limites géographiques fixer à un futur Reich, notamment par rapport au cas des Allemands d’Autriche, sous la souveraineté des Habsbourg ? Enfin, l’étude de l’unification allemande passe par le réexamen de l’œuvre politique de Bismarck, après que Guillaume Ier l’appelle comme ministre-président du royaume de Prusse en 1862. Le programme du nouvel homme fort de la monarchie, appelant la Prusse à prendre expressément le leadership de l’unification nationale et promettant qu’elle s’opèrerait « par le fer et par le sang », a suscité de fortes oppositions chez les libéraux, dans tout le monde germanique. Les guerres de l’unification, démarrées par l’affrontement de 1864 avec le Danemark (guerre des duchés) se sont pourtant poursuivies, en 1866, avec le choc dressant la Prusse contre l’Autriche des Habsbourg et expulsant celle-ci définitivement du corps germanique, pour la faire basculer vers les pays du Danube et les Balkans. Enfin, la confédération de l’Allemagne du Nord, créée en 1867, ne parvient à entraîner autour d’elle les États de l’Allemagne du Sud qu’au prix d’une guerre avec la France, provoquée par les maladresses de celle-ci à l’occasion de la candidature Hohenzollern au trône d’Espagne et à la crise diplomatique de l’été 1870.

Les dates à retenir :

1806 (6 août) : disparition du Saint-Empire.

1806 (14 octobre) : défaite de la Prusse à Iéna.

1813 : guerres « de Libération » contre la domination française.

1848 : révolutions à Vienne et à Berlin, élection du Parlement de Francfort.

1850 (29 novembre) : le roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV renonce à prendre la couronne d’une Allemagne unifiée.

1862 (23 septembre) : Bismarck chancelier de Prusse.

1864 : guerre des duchés : battu, le Danemark renonce au Schleswig et au Holstein.

1866 (3 juillet) : bataille de Sadowa et victoire de la Prusse sur l’Autriche.

1867 : création de la confédération de l’Allemagne du Nord.

1870 (19 juillet) : la France déclare la guerre à la Prusse.

1871 (18 janvier) : Guillaume Ier est proclamé empereur d’Allemagne.

1871 (16 avril) : adoption de la constitution du nouveau Reich.

Votre conférenciER

Professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Strasbourg depuis 2011, N. Bourguinat est spécialisé sur l’Europe du XIXe siècle, de l’époque napoléonienne à l’avènement de la IIIe République. Après avoir d’abord travaillé sur des questions d’histoire économique et sociale telles que les troubles frumentaires (Les grains du désordre, Paris, Édition de l’EHESS, 2002), il s’intéresse désormais l’histoire du voyage, ses écritures et ses pratiques, et à l’histoire des femmes et du genre. À Strasbourg, il a dirigé l’équipe de recherche UR 3400 Arts Civilisation et Histoire de l’Europe et fondé, en 2012, la revue Source(s), dont 16 numéros sont parus. Dernières publications : Dictionnaire historique de la liberté (Nouveau Monde, 2015 – codirigé avec Georges Bischoff) ; « Et in Arcadia ego… » Voyages et séjours de femmes en Italie, 1770-1870 (Éditions du Bourg, 2017) ; La guerre franco-allemande de 1870. Une histoire globale (Flammarion, 2020 – coécrit avec Gilles Vogt).