Le 10 octobre 1711, le gouverneur portugais de Rio de Janeiro capitule devant René Duguay-Trouin, corsaire de Louis XIV. Avec dix-huit vaisseaux et à peine 3 200 hommes, le corsaire a forcé le goulet truffé de batteries lourdes de la baie de Rio en une sorte de charge de cavalerie navale. Il a débarqué et balayé les 12 000 hommes de la garnison portugaise. Le butin en or et en marchandises est considérable : environ 95 millions d’euros aujourd’hui.

Pourquoi ce fait d’arme, quasiment unique dans l’histoire de la guerre de course ? En 1711, la guerre de succession d’Espagne dure depuis dix ans. Elle tourne au désastre. Les défaites s’accumulent, le royaume est ruiné. La magnifique flotte de guerre bâtie par Colbert n’existe plus, victime du manque d’argent, et de l’échec de la bataille de Malaga en 1704 pour reprendre Gibraltar qui signa son arrêt de mort.

Pourtant, la France ne manque pas de marins. La flotte n’existe plus ? Vient l’heure de la guerre de course, les corsaires, la caprerie comme l’a défini Vauban lui-même. Forbin depuis Dunkerque, à la suite de Jean Bart, pille les navires de pêche et de commerce anglais dans la Manche comme un Attila des mers. Cassard écume la Méditerranée et les Antilles. Et surtout, Saint-Malo fait de la course une industrie incroyablement rentable. Car la guerre de course est une affaire privée. Les investisseurs, réunis en société par actions, se voient confier par le roi navires, marins et soldats. Charge aux actionnaires de payer tout cela. En retour, le royaume garde une part du chiffre d’affaire, c’est-à-dire des prises.

Le Portugal, d’abord allié de la France, se retourne contre elle en 1703, entre autres pour protéger ses possessions au Brésil. Dès lors, la proie est tentante. Une première expédition contre Rio, mal montée, échoue lamentablement en 1710. Duguay-Trouin décide de prendre la ville. Son seul nom suffit à rassembler les fonds énorme nécessaires. Le roi lui confie navires et hommes. Dès lors commence une aventure extraordinaire. Espionnage anglais, ruses des corsaires, forcement du goulet imprenable selon les théories de Nelson lui-même trois générations plus tard, déchaînement simultanés d’un orage tropical et d’un bombardement naval terrible qui font une nuit dantesque, tonnes d’or, pilleurs exécutés sur place, une tempête terrible qui engloutit la moitié de la flotte, et du butin, au retour. Le choc de cette victoire, suivie de celle de Denain sur terre, sauve le royaume et amène le traité d’Utrecht. Telle est l’histoire que je vous raconte maintenant.

Les dates à retenir :

10 juin 1673 : naissance de René Duguay-Trouin à Saint-Malo.

1^er février 1701 : Louis XIV reconnaît les droits de son petit-fils Philippe à la couronne d’Espagne. Début de la guerre de succession d’Espagne.

21 octobre 1707 : Forbin et Duguay-Trouin attaquent avec douze navires un convoi à destination du Portugal de 200 navires escortés par cinq vaisseaux anglais. Victoire complète.

10 mai 1710. Le capitaine Duclerc quitte La Rochelle avec six vaisseaux et 1 200 hommes pour attaquer Rio de Janeiro.

19 septembre 1710. Échec de l’expédition.

18 mars 1711. Assassinat de Duclerc prisonnier par les Portugais.

3 juin 1711. Départ de Duguay-Trouin de Brest.

9 juin 1711 : rassemblement de l’ensemble de la flotte au large de La Rochelle.

12 septembre 1711 : forcement de l’entrée de la baie de Rio.

14 septembre 1711 : débarquement des troupes françaises.

10 octobre 1711 : capitulation du gouverneur portugais de Rio.

13 novembre 1711 : départ de la flotte pour retourner en France.

6 février 1712 : arrivée à Brest. Trois navires et une importante partie du butin ont sombré dans une terrible tempête.

17 juillet 1712 : suspension d’arme avec l’Angleterre.

24 juillet 1712 : victoire de Denain contre les Austro-Hollandais.

11 avril 1713 : signature du traité d’Utrecht et fin de la guerre de succession d’Espagne.

Août 1715 : Duguay-Trouin est promu chef d’escadre (contre-amiral).

1^er septembre 1715 : mort de Louis XIV.

Avril 1728 : promotion au grade de Lieutenant Général (Vice-amiral).

27 septembre 1736 : mort de Duguay-Trouin.

LUNDI 21 JUIN À 14H30

Votre conférenciER

Ancien chasseur de tête international, Patrick Llewellyn travaille depuis 2015 en France et en Australie à faire revivre les grandes aventures maritimes des XVIIIème et XIXème siècles : explorations scientifiques, corsaires, rivalités entre les nations, c’est une fabuleuse aventure humaine et technique qu’il s’attache à faire revivre pour le bonheur du plus grand public. Il est l’auteur de la trilogie Terre Australe qui raconte l’histoire de l’expédition maritime scientifique envoyée par Bonaparte en Australie en 1800.