Ispahan, coeur de l'Empire Safavide

Ispahan, cœur de l'empire safavide

Aujourd’hui, Ispahan est considérée comme la troisième grande ville de l’Iran, mais dans le passé à deux reprises elle en fut la capitale. Située à plus de 1550 mètres d’altitude, enserrée par une couronne de montagnes à l’orée d’un désert, Ispahan doit son fabuleux destin autant à la présence d’une rivière, le Zayandeh Roud - la « rivière qui donne la vie » - qu’à sa situation privilégiée sur la route de la soie.

Ville de légendes, il est admis qu’Ispahan fut dès le IIIe siècle de notre ère un important siège militaire baptisé « Aspahan » mais les grandes heures de son histoire datent avant tout de l’époque islamique. Au XIe siècle, les Seldjoukides en firent la capitale de leur vaste empire, et la qualifièrent de « seconde Bagdad », elle devint alors l’un des centres du rayonnement de l’Iran islamique. Plus tard, au XVIe siècle, avec l’avènement de la dynastie des Safavides (XVIe-XVIIIe) s’ouvrit une période de très grande gloire pour la Perse mais aussi pour Ispahan. Sous le règne du grand Shah Abbas Ier (1587-1629) la ville connut son apogée. Grand militaire, mais aussi réformateur et urbaniste hors pair, c’est lui qui décida en 1598 d’en faire la nouvelle la capitale de la Perse. Cette décision fut motivée par des considérations géopolitique - la ville se trouvait au centre du plateau iranien à l’abri de toute agression étrangère - et par la fécondité des plaines alentours riches en blé, orge, tabac, melon, vignes,… Durant 30 années, Shah Abbas se concentra sur à l’aménagement d’Ispahan, animé par l’idée que sa capitale devait refléter à la fois sa puissance et le génie de la Perse. Ainsi, une ville de tours émaillées, de coupoles turquoises, de ponts, de places et de jardins persans sortit de terre, et ce alors même que la Perse s’ouvrait à l’Europe. Ispahan devint le centre de la science et de la culture persane, et pour le commun des mortels, elle fut « Isfahân, nesf-e djahân » : « Ispahan, la moitié du monde ! »

Cette image d’Ispahan « cœur du monde » s’adossait à son cosmopolitisme, illustré par une importante communauté arménienne, et par la venue d’ambassadeurs, d’ecclésiastiques et de voyageurs occidentaux mais aussi à son rôle important dans le commerce international. Mais, cette image parlait encore de la virtuosité et de la beauté de son urbanisme, d’une créativité qui dépassait les exigences constructives pour symboliser les fastes de la dynastie des Safavides. Pour preuve, ces tapis de faïences polychromes destinées à recouvrir la quasi-totalité des monuments les plus importants, à en souligner les formes, à en rehausser les lignes. A Ispahan, jamais l’ornement ne fut un crime ! Et l’on s’interroge : toute la perfection de la Perse serait-elle donc rassemblée dans cette ville exemplaire ? Peut-être, si l’on en croit Thomas Herbert (1606-1682), un diplomate anglais, pour qui « le grand bazar d’Ispahan est sans doute le plus grand, le plus beau, et le plus agréable marché de tout l’univers. » Mais tout à une fin…

En 1722, alors que la puissance safavide a fait long feu, un chef de guerre afghan s’empara d’Ispahan et fit voler en éclats l’unité de la Perse. Capitale sans couronne, Ispahan entama alors un long déclin pendant que de nouvelles capitales se succédèrent en Perse : Shiraz, Machad, et enfin Téhéran. Pourtant, si aujourd’hui Ispahan est devenue une immense métropole, la grandeur de son passé est partout présente.

Les dates à retenir :

IIIe siècle de notre ère : Ispahan est un siège militaire sassanide connu comme « Aspahan ».

1051 : les Seldjoukides font d’Ispahan l’une de leurs capitales.

1387 : Ispahan est mise à sac par Tamerlan.

1501 : Fondation de la dynastie des Safavides (1701-1736).

1587 : Abbas est couronné « Shah » sous le nom de Shah Abbas Ier (1587-1629).

1598 : Ispahan devient la nouvelle capitale de la Perse.

1602-1637 : Aménagement de la Place Naqsh-e Djahân (« l’Image du monde »).

1603-1605 : Déportation à Ispahan des Arméniens de Djolfa (Azerbaïdjan) par Shah Abbas.

1722 : Pillage d’Ispahan par les Afghans et déclin amorcé de la ville.

1979 : La Place Naqsh-e Djahân est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco.

vendredi 06 AOUT a 10h

Votre conférencier

Diplômé de l’Ecole du Louvre et de l’université Paris-IV-Sorbonne, Fabrice Delbarre est Guide conférencier-national.

À lire pour aller plus loin :

Pierre Loti, Vers Ispahan, Magellan & co, 2015.

Assadullah Souren Melikian-Chirvani, Le Chant du monde. L’art de l’Iran safavide, 1501-1736, Catalogue de l’exposition, Musée du Louvre, 2007.

Francis Richard, Le siècle d’Ispahan, Gallimard, 2007.

Henri Stierlin, Ispahan, Paris, 1975.