Le francique et le français : un pauvre mais éloquent héritage
Commençons par le plus simple : le français est une langue indo-européenne qui appartient à la grande famille des langues romanes.
Tout comme le corse par exemple. Ou l’italien. Ou l’espagnol. Sans oublier le catalan, le portugais, le romanche, le sarde, le sicilien...
Les langues romanes proviennent toutes du latin tardif, lequel, faut-il le dire, avait pris quelques libertés avec le latin classique.
Un exemple ?
Le mot que nous employons pour désigner la tête ne provient pas du latin caput (d’où chef et capitale) mais de l’argot tardo-impérial testa que l’on pourrait traduire par bouille. Ou tronche à la rigueur… encore que les spécialistes ne s’accordent pas sur ce dernier point.
Quoi qu’il en soit, le nom de la langue de Molière (le français) nous rappelle que des gens venus d’ailleurs, mi-mercenaires, mi-réfugiés, mi-envahisseurs (oui, ça fait beaucoup), imposèrent leur pouvoir et leur nom à la Gallo-Romanie (un concept culturel qui aurait stupéfié les contemporains de Caligula soit dit en passant… et pourquoi pas des Hispano-Romains, des Britto-Romains et des Siculo-Romains tant qu’on y est ?).
Ces gens-là, les Francs - die Franken ! - puisqu’il faut bien les nommer, parlaient le francique, une langue lointainement apparentée à l’actuel allemand.
Pendant une poignée de siècles, de Hlodwig (pardon, Clovis) à Karl der Große (notre Charlemagne), le francique (ou sa variante rhénane) fut la langue des rois, des chefs et des guerriers. Donc la langue du pouvoir.
C’est la raison pour laquelle le gallo-roman, la langue que parlaient les innombrables sujets Gallo-Romains des Francs, en vint à être désignée du nom de ces derniers, pourtant numériquement très minoritaires.
La chose, n’est pas sans équivalent du reste : songez au bulgare par exemple, une langue slave dont le nom ne l’est pas.
Si vous vous demandez combien de mots provenant du francique sont encore en usage dans le français actuel la réponse est 400 environ.
C’est peu.
Une courte sélection de ce maigre héritage vous convaincra facilement que les Francs n’étaient pas un peuple d’intellectuels portés à l’abstraction puisqu’y abondent les mots de la guerre et du pouvoir.
Ban, bande, bastille, beffroi, blason, bouter, brandir, crampon, croc, dard, échanson, épieu, éperon, escrime, étron, étendard, fanion, fief, flèche, frapper, galoper, gant, garnison, gonfanon, grappin, guerre, hache, haubert, haïr, heaume, honnir, maréchal, meurtre, sénéchal, trêve, trique, trompe…
Ci-dessous : la Gaule à la mort de Clovis (pardon, Hlodwig). Cette belle carte - qui associe le développement du royaume franc à de chaudes teintes automnales – est librement accessible sur le site du magazine l’Histoire. En orange citrouille, le cœur du domaine des Francs saliens.