poivre - Chroniques - La bibliothèque de Storia Mundi (3)

Luxe, mondialisation et invasions : une histoire de poivre qui ne manque pas de sel (pouf pouf)

Cette belle poivrière en argent date du Vème siècle de notre ère, période troublée s'il en fut. Nous y reviendrons. Elle représente une femme tenant un rouleau qu'elle désigne de l'index de sa main droite. Mais bon, ça, ça se voit.

Evidemment, cette poivrière contenait du poivre (moulu). Que pouvait-elle bien contenir d'autre ?

Plus intéressant : notre petite poivrière a été exhumée - parmi d'autres objets précieux - près d'Hoxne, dans le Suffolk, en Grande-Bretagne, par une équipe d'archéologues au service de la Science et de sa Gracieuse Majesté (à moins que ce ne fut l'inverse).

Première constatation : pour arriver dans le Suffolk, le poivre, cultivé en Inde, devait traverser la mer d'Arabie, l'Egypte, la Méditerranée puis, une fois sur la rive nord de notre mer, la précieuse épice devait encore suivre le cours des grands fleuves direction le nord avant de faire un dernier saut de puce pour enjamber le Channel.

Damned !

On peut dire que malgré un contexte plus que troublé (on va y revenir vous dis-je) la mondialisation était encore une réalité au début du Vème siècle.

Revenons à présent à ce contexte plus que troublé.

De toute évidence, le propriétaire de la poivrière a enterré près d'Hoxne des objets précieux qu'il ne pouvait emmener avec lui.

Pourquoi ?

Sans doute s'estimait-il menacé par un danger pressant. Cela ne doit pas nous étonner outre mesure : le Vème siècle marque l'acmé des grandes invasions (ou des grandes migrations selon le point de vue que l'on adopte).

Par ailleurs, étant donné que son propriétaire n'a jamais récupérée sa belle poivrière, il est à craindre qu'il ne lui soit arrivé malheur (au propriétaire). A moins qu'il n'ait décidé de quitter la Bretagne dans les bagages des unités militaires qui abandonnèrent leurs garnisons insulaires pour aller batailler sur le continent... contre d'autres troupes romaines.

Car on l'ignore souvent mais pendant les grandes migrations (ou les grandes invasions, c'est selon), les Romains ne trouvèrent rien de mieux à faire que de multiplier d'absurdes guerres civiles qui causèrent la ruine de l'Empire plus sûrement que ne le firent les barbares.

On le sait bien : nos actes portent en eux-mêmes leur propre malédiction.

Photo : British Musem, Londres.