Le foie, souvenir de figues et de festins
Aujourd’hui, on associe rarement le foie aux figues. Plutôt au gras et aux vins lourds des fêtes de fin d’année. Et aux regrets des lendemains d’agapes conséquemment.
Et pourtant.
Retour à Rome, où tout commence, comme souvent.
Dans l’antique Rome, foie se disait iecur, un mot sec qui évoque plus une salle d’attente qu’un triclinium (une salle à manger) richement décoré pour un banquet.
Les Romains – qui étaient de fins gourmets eux aussi – raffolaient du foie gras d’oies qu’ils gavaient de figues, ficus en vo, raison pour laquelle on appelait iecur ficatum — littéralement le foie aux figues — ces foie dodus, tendres et presque sucrés qui figuraient au menu des bonnes domus. Evidemment, le petit peuple qui s’entassait dans les insulae (les immeubles de rapport) ne pouvait que rêver de iecur ficatum tout en rongeant des fanes de carottes. Au moins était-il exempt d’un excès de cholestérol.
Quoi qu’il en soit, à la fin de l’Empire – quand les chrétiens et les barbares remplacèrent les païens et les Romains (c’est un peu facile, je sais) - le raccourci finit par l’emporter sur la version longue : ficatum en vint à remplacer iecur.
Par la suite, une ablation sans douleur suffit à passer du latin tardif ficatum au vieux français fie puis, de fie à foie, seule la prononciation changea.
Remarquons au passage que l’italien fegato et l’espagnol hígado conservent tous deux le souvenir des figues originelles.
Ci-dessus : ce que vous voyez-là est un foie, enfin, une représentation étrusque d’un foie destiné aux haruspices pratiquant l’hépatoscopie. Ce bel objet qui provient de la région de Plaisance date de la fin du IIème siècle ou du début du Ier siècle av. J.-C. Si vous voulez savoir ce que sont les haruspices et l’hépatoscopie, l’auteur de ces lignes – qui s’en va boire un café en bas – vous invite à faire usage de votre sagacité. Et d’un clavier. Photo : Lokilech.