Césarion, Séléné, Alexandre et Ptolémée : le destin des enfants de Cléopâtre
On connaît la fin de Cléopâtre : après la victoire d’Octave dans la guerre civile qui l’opposa à Marc Antoine, la basilissa d’Egypte décida de se donner la mort. Joseph Mankiewicz, dans le péplum qui sortit en 63, donna de cette fin tragique une interprétation restée célèbre : le spectateur assiste, impuissant, aux derniers instants de Liz Taylor-Cléopâtre, laquelle glisse une main résignée – ses pensées tournées vers Richard Burton–Marc Antoine - dans la corbeille de fruit où aurait été dissimulé un aspic.
On oublie souvent – mais visiblement Liz Taylor les avait oubliés aussi – que Cléopâtre VII laissait derrière elle quatre enfants (au moins) dont le destin intéressa fort les Romains, sans doute en raison de l’identité de leurs pères respectifs :
- Césarion tout d’abord, le fils qu’elle eut du divin Jules, un enfançon destiné à porter deux mondes sur ses épaules mais qui fut prestement exécuté à 17 ans seulement, peu après Actium.
- Alexandre Hélios, Ptolémée Philadelphe et Cléopâtre Séléné ensuite qu’elle eut de Marc Antoine.
Quand Alexandrie tomba, en 30 av. J.-C., Alexandre Hélios, Ptolémée Philadelphe et Cléopâtre Séléné furent aussitôt capturés par Octave puis expédiés à Rome pour être exhibés lors du cortège triomphal parmi les prises de guerre d’Octave.
Séléné survécut à l’humiliation après avoir survécut à la défaite.
Elle fut ensuite confiée à Octavie, la sœur du futur Auguste, l’épouse que Marc Antoine avait abandonnée pour Cléopâtre VII. On imagine la Romaine tentée de prendre une revange posthume sur la mère en maltraitant la fille. Octavie n’en fit pourtant rien et – pour autant qu’on le sache – elle traita bien la petite captive.
Le destin et les calculs géopolitiques donnèrent ensuite un tour inattendu à la vie de la princesse lagide qui fut unie par ses maîtres romains, en 20 av. J.-C., à Juba II, un prince numide lui aussi emmené à Rome comme otage après la défaite de son père, Juba Ier. La jeune mariée avait alors 19 ans. Son jeune époux 28.
Etrange union que celle de ces deux rejetons de dynasties brisées par Rome et par Rome mariés pour régner en son nom. Et pour son compte.
Juba et Séléné régnèrent donc conjointement depuis leur capitale, Césarée, l’actuelle Cherchell, jusqu’à ce que Séléné ne décède en 5 ap. J.-C. non sans avoir joué un rôle important notamment en matière d’art et de culture.
Précisons, avant de nous quitter, que ses deux frères, Alexandre Hélios et Ptolémée Philadelphe, disparaissent de nos sources après le triomphe d’Octave. Furent-ils prestement occis ou bien – malgré le silence de nos sources – vécurent-ils une humble et banale existence loin des feux de la rampe, des flashs des paparazzi et des luttes pour le pouvoir.
Ci-dessous : situé dans la wilaya de Tipasa, en Algérie, le mausolée royal de Maurétanie pourrait avoir été édifié par Juba II et Séléné. Une hypothèse âprement discutée. Photo : Dan Sloan.