Grunewald et le retable d'Issenheim

GRÜNEWALD ET LE RETABLE D’ISSENHEIM

La vie de Maître Mathis, dit Grünewald, est entourée de mystère et, jusqu’à son nom même qui a été l’objet de vives discussions. Sa biographie demeure très imprécise alors que ses contemporains comme Dürer, Altdorfer ou Holbein appartiennent à la vie publique. Ainsi, on ne peut qu’avancer une naissance autour de 1480 et un décès en 1528. En outre, contrairement à Dürer, Grünewald n’a rien publié et ses rares signatures apportent plus de questions que de réponses. Ce sont les œuvres elles-mêmes, dont seule une dizaine de peintures et une quarantaine de dessins subsistent, qui nous permettront de partir à la rencontre de cet artiste novateur.

Le chef-d’œuvre de Grünewald est incontestablement le Retable d’Issenheim conservé au Musée Unterlinden de Colmar et, créé pour la commanderie des Antonins d’Issenheim. La charge principale des Antonins était de soigner les patients atteints d’ergotisme gangréneux, dénommé alors « feu de saint Antoine ». L’origine alimentaire de ce mal, lié au développement d’un champignon dans le seigle, n’a été comprise qu’au XVIIIe siècle, et les Antonins faisaient usage de leur saint vinage, obtenu par un bain des reliques du saint, et d’autres remèdes probablement fabriqués avec les plantes visibles dans le retable peint entre 1512 et 1516. Fermé, ce denier laisse voir l’une des Crucifixions les plus pathétiques de toute l’histoire de la peinture. Exposant ses chairs martyrisées, ce Christ douloureux devait être un message d’une poignante intensité pour les malades qui se trouvaient face à cette apparition. De nombreux artistes ont été saisis par la puissance de cette œuvre oscillant entre l’horreur de l’extrême souffrance et la grâce d’un concert angélique aux tonalités surnaturelles. On en trouve notamment l’écho dans la littérature avec Huysmans ou Élias Canetti. Plusieurs artistes comme Otto Dix ou, plus récemment, Sarkis et Adel Abdessemed ont répondu à cette œuvre majeure à travers la peinture, la vidéo ou la sculpture en fil de fer barbelé. Ces propositions montrent que les chefs-d’œuvre ne sont nullement figés dans le passé et ne cessent, au contraire, d’être une puissante source d’inspiration. Enfin, la restauration en cours du retable permettra de renouveler le regard porté sur la peinture comme son encadrement et, les polémiques autour de cette intervention ne soulignent que trop le statut particulier de cette œuvre qui n’a rien perdu de son pouvoir de fascination.

Les dates à retenir :

Autour de 1480, naissance de Grünewald.

Entre 1512 et 1516 : Peinture du Retable d’Issenheim par Grünewald.

1528 : Mort de Grünewald à Halle.

1792 : Pour éviter sa destruction : le Retable d’Issenheim est transféré de la commanderie d’Issenheim à la Bibliothèque Nationale du District à Colmar.

1852 : ouverture du Musée Unterlinden et présentation du Retable d’Issenheim dans la chapelle.

2005 : Au commencement, le toucher, œuvre de Sarkis inspirée par le Retable d’Issenheim.

2012 : Décor, oeuvre d’Adel Abdessemed inspirée par le Retable d’Issenheim

2011 : Restauration du Retable d’Issenheim entraînant une vive polémique.

2018-2021 : Restauration de l’œuvre conçue pour la première fois de son histoire comme une globalité : sculptures, panneaux peints et encadrements.



Lisez l'article d'Anne Vuillemard-Jenn :


Votre conférenciÈre

Anne Vuillemard-Jenn est docteur en histoire de l’art, enseignante et chercheur indépendant. Membre du Groupe de Recherches sur la Peinture Murale (www.gpm.asso.fr), elle poursuit des recherches sur la polychromie architecturale et la peinture monumentale.

À lire pour aller plus loin :

Pierre Vaisse et Pierp Bianconi, Tout l'œuvre peint de Grünewald, Flammarion, coll. « Les Classiques de l'art », 1984.

Horst Ziermann et Erika Beissel, Matthias Grünewald, Prestel Verlag München, 2001.

Pantxika Béguerie-De Paepe, Philippe Lorentz (Dir.), Günewwald et le retable d’Issenheim. Regards sur un chef-d’oeuve, catalogue d’exposition du Musée Unterlinden, Somogy, 2007.